# 50 // Wilton House

Si vous passez par le Wiltshire et que vous avez un moment, arrêtez-vous à Wilton House.

C’est une petite bourgade située à quelques kilomètres de Salisbury, au beau milieu de la campagne anglaise. Siège des comtes de Pembroke depuis quatre siècles, Wilton House est l’une des plus magnifiques demeures seigneuriales britanniques.

Avant Wilton House, il y avait Wilton Abbey, un monastère de sœurs bénédictines, sans doute fondé au début du Xe siècle. Dans nos Balades, nous avons plusieurs fois parlé de la Dissolution des Monastères. Rappelons que pour son instigateur, Henri VIII, c’était un moyen de démanteler d’innombrables foyers de résistance au Supremacy Act, qui faisait de lui le chef suprême de la nouvelle Église d’Angleterre, mais aussi de mettre la main sur le patrimoine considérable des ordres monastiques. Wilton Abbey, comme tous les autres monastères, fut donc dissout. Le 25 mars 1539, Cecily Bodenham, la dernière abbesse, remit la propriété de son établissement aux commissaires du roi.

Quelques années plus tard, en 1544, Henri VIII en fit cadeau à l’un de ses plus fidèles courtisans, William Herbert (vers 1501-1570). Issu d’une vieille famille galloise, mais d’une branche illégitime, il eut à s’enfuir en France, dans sa jeunesse, après une rixe qui tourna mal. Passé au service de François Ier comme mercenaire, il revint ensuite en Angleterre. Sur la recommandation du roi de France, il rejoignit la cour d’Henri VIII et devint son ami, puis plus tard son beau-frère. En 1538, il avait épousé Ann Parr, la sœur de cette Catherine Parr qui, en 1543, devait devenir la sixième et dernière épouse du roi Tudor. L’année suivante, William se vit offrir l’ancienne abbaye de Wilton, ainsi que des seigneuries voisines, et fut fait chevalier. Plus tard, en 1551, il devint le 1er comte de Pembroke, par la grâce d’Édouard VI, l’enfant-roi, fils d’Henri VIII et Jane Seymour. Un autre William Hebert, actuel propriétaire de Wilton House, né en 1978, est le 18e comte de Pembroke.

La position très privilégiée du premier nécessitait bien sûr une demeure digne de ce nom. Wilton Abbey fut rasée et Wilton House édifiée en ses lieu et place, entre 1544 et 1563. C’était une vaste résidence de style Tudor, peut-être imaginée par Hans Holbein le Jeune avant sa mort, en 1543. Elle était simplement constituée de quatre ailes, autour d’une cour centrale. De ce premier édifice, il ne reste aujourd’hui que le pavillon central de l’aile Est (photographie de gauche, en haut).

Les premières transformations datent du 4e comte, Philip Herbert. En 1630, il décide de reconstruire l’aile Sud, la plus agréable, et d’y faire aménager une série de pièces d’apparat, les State Rooms. Comme la plupart des grands aristocrates de l’époque moderne, il souhaitait que sa demeure soit pourvue de luxueux appartements pour héberger des personnalités de passage, et notamment des souverains et des membres de la famille royale. C’est le Français Isaac de Caus (1590-1648) qui édifia la nouvelle aile Sud, de style palladien (photographie du milieu, en haut). Il était l’un des assistants de l’illustre architecte Inigo Jones (1573-1662, The Queen’s House à Greenwich, Banqueting House sur Whitehall, Covent Garden). D’après certains historiens, c’est le père de Philip, le 3e comte de Pembroke, qui aurait financé le voyage de Jones en Italie et serait donc à l’origine de l’introduction du palladianisme en Angleterre.

Après un incendie en 1647 et le décès d’Isaac, c’est justement Inigo Jones qui intervint à Wilton House, sans doute avec un autre de ses assistants, John Webb (1611-1672). Il en résulte les somptueuses salles d’apparat de l’aile Sud et notamment les iconique Single Cube Room et Double Cube Room. La première est un cube de 9 mètres de côté, agrémenté d’un plafond de l’Italien Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d’Arpin, représentant le mythe de Dédale et Icare, et tendu de toiles de Peter Lely et Anthony van Dick. La seconde, créée vers 1653, est donc un double cube, de 18 mètres de long et 9 mètres de large, pour 9 mètres de haut. Elle renferme également des portraits de Van Dick, représentant Charles Ier et plusieurs membres de sa famille, ainsi que la famille du comte de Pembroke de cette époque. Elle présente également des magnifiques miroirs de Thomas Chippendale et des consoles de William Kent. Le plafond de Thomas de Critz rappelle l’histoire mythologique de Persée. Dans la Grande Antichambre (Great Anteroom) qui fait suite, les comtes de Pembroke exposent aujourd’hui un rare portrait de Rembrandt représentant sa mère. Enfin, la salle des Colonnes (Colonnade Room) tire son nom des quatre colonnes dorées qui marquaient l’alcôve de cette ancienne chambre de parade, celle où le roi dormait lorsqu’il séjournait au château. Elle sert aujourd’hui d’écrin à des portraits peints par sir Joshua Reynolds.

Tous ces travaux furent d’importance mais ils ne concernaient que l’aile Sud, et une bonne partie de la demeure avait donc conservé son style Tudor. Son emprise fut toutefois réduite au début du XVIIIe siècle, lorsque Thomas Herbert, le 8e comte, fit reconstruire une partie de Wilton House, à la suite de l’incendie de 1705. Ce Thomas fut l’un des plus grands hommes d’État de son époque (vers 1656-1733), étant tout à tour premier lord de l’Amirauté, lord du Sceau privé (Lord Privy Seal), lord grand amiral, lord président du Conseil, lord lieutenant d’Irlande, et même président de la Royal Society en 1689-1690.

La troisième et dernière campagne de travaux survint un siècle plus tard, en 1801, à l’époque de George Herbert, le 11e comte (1759-1827). Il fit appel à James Wyatt (1746-1813, arsenal de Woolwich, Frogmore House, restauration du château de Windsor). Wyatt modernisa la demeure, notamment en reconstruisant la façade Nord et en y déplaçant l’entrée principale (photographie de droite, en haut). Il aménagea une nouvelle cour d’honneur, marquée par un haut pavillon de style néogothique. Dans l’axe, il relocalisa l’arc de triomphe construit par sir William Chambers (1723-1796, Somerset House, Kew Gardens), vers 1760, pour servir d’entrée au domaine (photographie de gauche, en bas). Mêlant colonnes doriques et corinthiennes, il supporte une imposante statue de l’empereur Marc Aurèle. À l’intérieur de Wilton House, Wyatt éleva également des galeries de circulation, sur deux niveaux, tout autour de la cour. Les Cloisters reliaient ainsi plus commodément les différents appartements et servaient de lieux d’exposition pour la sublime collection de sculptures des comtes de Pembroke. Signalons notamment la statue de William Shakespeare, sculptée par William Kent, qui accueille les visiteurs dans le nouveau vestibule. Après la mort de l’architecte en 1813, c’est son neveu Jeffry Wyatville (1766-1840, reconstruction du château de Windsor pour Georges IV) qui prit la suite. C’est peut-être lui qui transforma l’unique salle de bain du rez-de-chaussée en salle à manger pour le petit-déjeuner, à la demande de la seconde épouse du 11e comte. Elle n’était autre que la comtesse Catherine Vorontsov (1784-1856), fille de l’ambassadeur de Russie au Royaume-Uni et nièce de la princesse Dachkov, qui fut la grande amie de l’impératrice Catherine II. C’est ainsi que s’acheva la reconstruction de Wilton House. Elle n’a guère changé depuis.

Mais on ne peut pas évoquer Wilton House sans parler de ses somptueux jardins, et notamment d’un des édifices devenu iconique. Il s’agit du pont palladien (photographie du milieu, en bas), construit par l’architecte Roger Morris (1695-1749, Marble Hill House, White Lodge à Richmond Park), peut-être inspiré d’un projet de Palladio pour le pont du Rialto de Venise. Plusieurs copies du pont de Wilton House existent en Angleterre, notamment à Stowe, qui fut un temps la résidence de la famille d’Orléans lors de son exil anglais, mais aussi dans le parc du palais Catherine de Tsarskoe Selo, près de Saint-Pétersbourg. Un peu plus loin, le 17e comte, défunt père de l’actuel propriétaire et fervent jardinier, aménagea un jardin d’eau de style japonais (photographie de droite, en bas).

www.wiltonhouse.co.uk

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