Si vous passez par Fleet Street et que vous avez un moment à perdre, arrêtez-vous à Temple Church.
Comme son nom l’indique, Temple Church est l’église du Temple, et donc des Templiers. L’Ordre du Temple est né le 23 janvier 1120, lors du concile de Naplouse. Les missions des « Pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon » étaient de protéger les pèlerins venant en Terre Sainte et de défendre les Etats latin d’Orient, fondés après la première croisade (royaume de Jérusalem, principauté d’Antioche, comté d’Edesse et comté de Tripoli). Rapidement, les Templiers eurent un immense succès en Occident et recrutèrent nombre de frères, dont certains restaient en Europe pour gérer le patrimoine de l’Ordre. Ainsi, les Templiers s’installèrent-ils en Angleterre. A Londres, leur première commanderie se trouvaient vers l’actuelle High Holborn. Mais l’expansion de l’Ordre les obligea à s’installer dans un endroit beaucoup plus vaste, situé aux portes de la Cité de Londres, entre la Tamise et la route qui menait à Westminster.
Dans les années 1160, les Templiers prirent donc possession du territoire que l’on connait encore aujourd’hui sous le nom de Temple. En tant qu’ordre religieux, ils avaient besoin d’une église, pour les messes mais aussi l’initiation des nouveaux frères. C’est ainsi que Temple Church fut construite. Elle fut consacrée le 10 février 1185 par Héraclius, patriarche latin de Jérusalem, la plus haute autorité religieuse des Etats latins d’Orient, et sans doute en présence du roi Henri II. C’était une église de forme circulaire, de 17 mètres de diamètre. La forme était une référence au Saint-Sépulcre de Jérusalem. Aussi l’appelait-on parfois The Round Church.
A l’époque, les Templiers étaient proches à la fois des autorités ecclésiastiques et du pouvoir royal. Le Maître du Temple de Londres avait ainsi le privilège de siéger au Parlement avec le titre de primer baro, premier baron. Alors que la cour était encore itinérante, le roi et sa suite s’installaient souvent au Temple pour plusieurs semaines. C’était l’un des endroits les mieux gardés du royaume, puisque les Templiers servaient également de banquiers pour le roi et les grands seigneurs du royaume. Les légats envoyés par le Pape résidaient souvent au Temple, eux aussi.
C’est donc tout naturellement que se tinrent ici un certain nombre d’événements importants pour l’histoire du royaume d’Angleterre. Citons simplement les négociations entre le roi Jean et les barons révoltés, qui conduisirent à l’établissement de la Magna Carta, la Grande charte de 1215. C’est un certain William Marshal qui supervisa les négociations. L’année suivante, après la mort du roi, il devint régent pour son fils, Henri III. William Marshal, 1er comte de Pembroke, mourut en 1219 et fut inhumé dans l’église ronde des Templiers. Henri III souhaita également s’y faire enterrer et les Templiers firent construire le vaste bâtiment rectangulaire adjacent à l’église circulaire. Il fut consacré en 1240, le jour de l’Ascension. La partie ancienne devint la nef, tandis que le nouveau bâtiment fit office de chœur. Cependant, le roi changea ses plans et décida finalement qu’il serait inhumé à l’abbaye de Westminster.
Le vendredi 13 octobre 1307 (on dit parfois que c’est ce qui engendra la « légende du vendredi 13 »), les Templiers du royaume de France furent arrêtés, avec le grand-maître de l’Ordre, Jacques de Molay, sur ordre du roi Philippe le Bel. S’ensuivit un procès où la position du pape était ambiguë et changeante. L’ordre fut finalement dissout, en 1312, et ses biens dispersés. C’est ainsi qu’Edouard II s’empara de Temple. Comme dans d’autres royaumes européens, il accorda les biens des Templiers à leurs confrères et néanmoins rivaux, les Hospitaliers. Ces derniers louèrent Temple à deux corporations d’avocats qui, plus tard, prirent le nom de Middle Temple et Inner Temple.
Mais, en 1540, la dissolution des monastères ordonnée par Henri VIII entraîna la disparation des Hospitaliers. Le roi s’empara à son tour de Temple et Temple Church devint une église royale avec, à sa tête, un Maître du Temple, Master of the Temple, nommé par la Couronne, ce qui est encore le cas aujourd’hui. C’est ce qu’on appelle un peculiar, ce qui signifie que cette église ne relève ni de l’évêque de Londres, ni même de l’archevêque de Canterbury, mais seulement du souverain. En 1608, Jacques Ier accorda Temple aux deux compagnies d’avocats, à perpétuité, à condition qu’elles s’engagent à entretenir le lieu. C’est ce qu’elles firent et ce qu’elles font encore, quatre siècles plus tard.


