# 22 // Richmond Palace

Si vous passez par Richmond et que vous avez un moment à perdre, arrêtez-vous à Old Palace Yard.
Depuis the Green, on y accède par une ancienne porte de style Tudor, flanquée d’une tour crénelée (photographie de gauche). Un panneau nous indique que l’ensemble appartient au Domaine de la Couronne (Crown Estate) et une plaque nous rappelle qu’il s’agit du palais de Richmond, résidence d’Henri VII, Henri VIII et Elisabeth Iere.
Avant Richmond, il y avait Sheen. C’est Henri Ier Beauclerc, le fils de Guillaume le Conquérant, qui établit la seigneurie de Sheen pour un de ses chevaliers. Le premier manoir fut construit vers 1125. Sheen revint à la Couronne sous Edouard Ier en 1299. Edouard III, son petit-fils, fit construire le premier palais de Sheen. Il y poussa son dernier souffle le 21 juin 1377. Richard II, son petit-fils (le fils du Prince noir), en fit sa résidence principale en 1383. Mais il fut tellement bouleversé par la mort de sa femme, Anne de Bohême, qu’il fit détruire le palais. Henri V le releva de ses ruines en 1414, Henri VI le fit améliorer et Edouard IV en fit don à son épouse, la reine Elisabeth. Après la fin de la Guerre des Deux-Roses, Henri VII Tudor prit possession du palais, qui avait vu grandir sa femme, Elisabeth Tudor, fille des précédents (Edouard IV et Elisabeth Woodville).
Mais, le 23 décembre 1497, alors que toute la famille royale et la cour résidaient au palais, un incendie se déclara dans les appartements du roi. Il fallu évacuer à la hâte les enfants royaux, notamment le futur Henri VIII, alors âgé de 6 ans. Lady Margaret Beaufort, la mère d’Henri, à travers laquelle il tenait ses droits dynastiques, était également au palais. L’année suivante, le roi ordonna la construction d’un nouveau palais, dans le style de l’époque, qu’on connait sous le nom de style Tudor. Il en profita pour renommer le palais. Avant de monter sur le trône, il portait le titre de comte de Richmond, du nom d’une seigneurie du Yorkshire, héritée de son père. Le palais de Sheen devint le palais de Richmond, et Sheen devint Richmond.
On accédait au palais par le Green et la porte que vous avez traversée (Gate House). Old Palace Yard était la première cour du palais. Au fond de la cour, une seconde porte, Middle Gate House, conduisait à la cour principale et aux bâtiments occupés par la famille royale. Il y avait un verger et des jardins enclos de murs, qui descendaient jusqu’au fleuve. Le palais, de style Tudor comme nous l’avons dit, présentait une architecture de brique et de pierre, des tourelles octogonales, des cheminées aux décors compliqués. Il ressemblait sans doute beaucoup au palais d’Hampton Court, à l’époque de Thomas Wolsey.
Le palais de Richmond passa ensuite à Henri VIII. C’est là que naquit son fils, le 1er janvier 1511. Mais il mourut quelques semaines plus tard. Catherine d’Aragon n’allait pas être en mesure de donner un autre fils au roi. On connait la suite… Lorsque Wolsey offrit Hampton Court au roi, dans l’espoir de sauver sa tête, il reçut le palais de Richmond en échange. Mais rien n’y fit et sa disgrâce fut confirmée. Henri accorda le palais à sa fille, Marie Tudor, en 1533, puis à Anne de Clèves, dont il venait de divorcer. Plus tard, le palais de Richmond devint l’une des résidences préférées de la reine Elisabeth. La Reine Vierge y mourut le 24 mars 1603. Il revint naturellement à la dynastie des Stuart. Jacques Ier ne l’occupa guère et Charles Ier l’attribua à son épouse, Henriette-Marie de France, la fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, et donc la sœur de Louis XIII. C’est là que grandirent leurs enfants, notamment les futurs Charles II et Jacques II. A l’issue de la Guerre civile, Cromwell fit démanteler le palais et vendre pierres, briques, parquets, fenêtres et autres cheminées. Le palais de Richmond, si cher au cœur des Tudor, n’existait plus. A la Restauration, en 1660, le terrain et les ruines revinrent à la Couronne, mais le palais ne fut jamais rebâti.
Dans les décennies qui suivirent, le Domaine de la Couronne procéda au lotissement du domaine. Certains éléments qui avaient survécu furent loués, sous le régime des baux emphytéotiques ; d’autres furent construits par des locataires. La Gate House construite en 1501 est toujours là. En 1986, la demeure de cinq chambres a été louée par le Crown Estate pour un bail de 65 ans. Au fond de Old Palace Yard, Middle Gate House a été remplacée par Trumpeter’s House (photographie du centre), construite par un des locataires, Richard Hill, au tout début du XVIIIe siècle. Après sa mort, la maison fut louée par Henrietta, duchesse de Marlborough. A la mort de son père, le célèbre John Churchill, qui n’avait eu que des filles, elle hérita du titre de duchesse, de plein droit. Les locataires se succédèrent à un rythme assez rapide. Citons un duc de Queensberry, un ancien gouverneur de Ceylan et un ancien chancelier autrichien, le fameux prince de Metternich, gardien de la Sainte Alliance, qui fut contraint à l’exil après la Révolution de 1848 dans les Etats habsbourgeois.
Un peu plus loin, là où se trouvait la brasserie du palais des Tudor, une demeure de style palladien fut construite en 1757-1758 pour Sir Charles Asgill, qui était alors le Lord Maire de la Cité de Londres. Elle est l’œuvre de l’architecte Robert Taylor, à qui l’on doit également Danson House, dans l’Est de Londres. C’est lui, surtout, qui débarrassa le pont de Londres de toutes les constructions qui s’y étaient succédées depuis le Moyen Âge. Asgill House (photographie de droite) appartient toujours au Crown Estate et est louée à des particuliers.
Et la famille royale dans tout ça ? Aucun de ses membres actuels ne réside dans l’ancien palais de Richmond. Mais, non loin d’ici, le Crown Estate possède aussi le parc de Richmond, qui était le domaine de chasse attaché au palais. C’est là que réside la princesse Alexandra, cousine de la reine, à Thatched House Lodge, une demeure louée par son défunt mari, le Très Honorable Angus Ogilvy. Notons qu’il ne s’agit pas d’un logement de fonction, mais d’une véritable location commerciale.

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