ODM # 2

Un portrait de sir Joshua Reynolds
Musée des beaux-arts de Dijon
par Sandrine Balan
Conservatrice en chef du patrimoine
Responsable du pôle Valorisation des collections
Chargée des collections modernes (XVIe-XVIIIe siècles)

Sir Joshua Reynolds, Portrait de Frances Goddes, huile sur toile, 1767 (date probable), © Musée des Beaux-Arts de Dijon / François Jay, inv. 2874.

Le peintre anglais Joshua Reynolds (1723-1792) se spécialise dans l’art du portrait dès le début de sa carrière. Alors qu’il respecte les codes habituels pour les portraits d’hommes, ses portraits féminins se révèlent plus audacieux, témoignant de multiples influences artistiques. Peint vers 1767, ce portrait de Frances Godde (1735-1805) illustre les orientations nouvelles que Reynolds donne au portrait anglais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il montre le modèle dans une pose simple, voire intime – les cheveux juste attachés en une longue natte – dans une attitude rêveuse presque mélancolique, comme l’indique cette gestuelle caractéristique. Le cadrage serré et un décor neutre – on aperçoit seulement sur le côté gauche un vase antique qui donne la profondeur – renforce la proximité avec le modèle. Vêtue d’une robe et d’une veste blanches, une ceinture bleue nouée autour de la taille, ce portrait illustre aussi le retour à l’antique dans la mode anglaise, tendance vite copiée ensuite par la mode parisienne.

L’œuvre restée dans la famille de Frances Godde, petite-fille de Pierre Godde de Bussy-Rabutin, naturalisé anglais, a été donnée au musée des Beaux-Arts de Dijon par l’intermédiaire de la Société des Amis de Dijon en 1925. Malgré la provenance familiale,  l’attribution a été contestée à plusieurs reprises. Jeanne Magnin, dans son catalogue sur la peinture au musée de Dijon (Besançon, 1933) remet en cause l’attribution à Reynolds et avance que l’œuvre est une copie réalisée par un élève du maître anglais : « platitude de l’exécution correcte et mince sans aucune trace de cette virtuosité prestigieuse qui constitue un des éléments essentiels du génie de Reynolds, et le génie est précisément ce qui manque ici ». En 1986, Barry Williamson établit avec certitude la filiation entre le modèle et la donatrice du musée, et confirme l’attribution à Reynolds. L’état de l’œuvre qui semble inachevée et fortement repeinte interpelle également. Or, plusieurs mentions de rendez-vous entre Miss Godde et le peintre apparaissent dans un carnet de Reynolds entre 1767 et 1769, qui signale également avoir envoyé le portrait de Miss Godde à « Mr Smith, Park Street » en janvier 1770. Aujourd’hui, son rattachement au corpus de Joshua Reynolds ne fait guère de doute, et sa présence au sein des collections du musée des Beaux-Arts de Dijon permet d’illustrer la peinture anglaise du Siècle des Lumières.

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