Ce Parcours Napoléon à Londres est loin d’être exhaustif. Il regroupe une vingtaine de sites ayant un rapport plus ou moins direct avec l’épopée napoléonienne. D’autres lieux pourraient bien sûr prétendre se rattacher au souvenir de l’Empereur.
Les grands musées londoniens ne sont pas inclus, mais la plupart d’entre eux méritent un détour puisqu’ils conservent de nombreuses œuvres d’art et de nombreux objets ayant un rapport avec Napoléon Ier. Citons par exemple la pierre de Rosette au British Museum, quelques tableaux de Turner à la Tate Britain ou d’innombrables artefacts au National Maritime Museum de Greenwich.
Ce Parcours Napoléon à Londres est virtuel : ses étapes sont donc présentées par ordre alphabétique.
Ce Parcours Napoléon à Londres est l’un des parcours proposés par la Fondation culturelle francophone de Londres, dans le cadre du bicentenaire de la mort de l’empereur Napoléon Ier, survenue le 5 mai 1821, en territoire anglais. Ces parcours font partie de la programmation officielle de l’Année Napoléon 2021 et sont soutenus par la Fondation Napoléon et le British Napoleonic Bicentenary Trust.



Les textes ont été rédigés par Thomas Ménard, porteur du projet de création de la Fondation culturelle francophone de Londres. N’hésitez pas à lui signaler toute erreur en écrivant à t.menard (a) fcfl.uk. Un grand merci à Chiara Martini et Daria Kwarta pour quelques-unes des photographies qui agrémentent le texte.
Admiralty

© Thomas Ménard
Si le duc de Wellington a apporté la victoire définitive aux Britanniques dans la lutte qu’ils menaient contre Napoléon, c’est l’amiral Nelson qui fut le premier héros de cette épopée. Parmi d’autres édifices que nous évoquerons dans ce Parcours Napoléon à Londres, son souvenir est évidemment très présent au cœur du complexe de bâtiments qui hébergeaient alors l’Amirauté, c’est-à-dire l’institution chargée de diriger la Royal Navy.
Historiquement, la Navy, alors distincte de l’armée de terre (Army), était commandée par un des grands officiers de la Couronne, le lord grand amiral (Lord High Admiral). Entre 1709 et 1827, ce titre ne fut pas attribué, mais remplacé par un groupe d’hommes, qui portaient le titre de lords commissaires de l’Amirauté (Lords Commissioner of the Admiralty) et siégeaient au sein du conseil de l’Amirauté (Board of Admiralty). Signalons que la Navy fut associée à l’Army au sein du ministère de la Défense en 1964, que les lords de l’Amirauté disparurent à cette occasion et que le titre de lord grand amiral fut attribué à la reine Elizabeth. Le 10 juin 2011, elle le céda à son époux, le prince Philip, duc d’Edimbourg. Le titre est vacant depuis la mort de ce dernier, le 9 avril 2021.
A l’époque qui nous intéresse, le conseil et les lords de l’Amirauté travaillaient dans le bâtiment de l’Amirauté, sur Whitehall (au numéro 26), en face de l’actuelle Whitehall Place. Il s’agit du bâtiment dont la cour est fermée par un des chefs d’œuvres de l’architecte écossais Robert Adam. Le mur est doublé d’une colonnade, percée en son centre d’un somptueux portail, portant quelques-uns des attributs de la marine. On dit que cet écran avait été dressé devant le bâtiment de l’Amirauté pour cacher le portique disproportionné érigé par Thomas Ripley sur la façade principale. On ne peut d’ailleurs pas en tenir rigueur à ce dernier : on a exigé de lui qu’il surélève le portique, afin de dégager les fenêtres de l’étage qui, d’après son projet, auraient dû se trouver cachées derrière le fronton.
C’est donc en ce lieu que l’amiral Nelson, qui était en fait contre-amiral, puis vice-amiral, passa de nombreuses heures à recevoir les ordres de ses supérieurs et à leur expliquer ses différentes manœuvres pour bloquer la flotte française, notamment en Méditerranée. A l’étage, la salle du conseil de l’Amirauté conserve de nombreux témoignages de ces épisodes. Quant au rez-de-chaussée, il renferme l’antichambre qui servit de chapelle ardente, où la dépouille de Nelson passa sa dernière nuit, avant d’être inhumée à la cathédrale Saint-Paul, le 9 janvier 1805 (voir cet article).
De ce que l’on appelle aujourd’hui Old Admiralty Building (le bâtiment de Ripley), on passe dans Admiralty House, qui était la résidence du premier lord de l’Amirauté (on voit bien la façade arrière sur Horse Guard Parade, à l’angle de la gigantesque extension de l’Amirauté : le bâtiment sombre, à gauche, sur la photographie présentée dans l’article Horse Guards, ci-dessous). A l’époque de Nelson, cette charge fut longtemps occupée par le comte Spencer, qui était le frère de la fameuse duchesse de Devonshire (voir le film The Duchess, avec Keira Knightley) et l’ancêtre de lady Diana. Nelson fut maintes fois convié aux dîners organisés par lady Spencer. A deux reprises, l’hôtesse rompit avec ses habitudes en autorisant le marin à venir accompagné de son épouse. La première fois, en 1798, ce fut une réussite, puisque le couple resplendissait : lady Nelson était aux petits soins pour son époux qui, rappelons-le, avait perdu un œil en Corse (1794) et un bras à Ténérife (1797), les deux fois en combattant contre les Français. La seconde fois, en 1800, ce fut un cauchemar, puisque Nelson était alors l’amant de la scandaleuse Emma Hamilton et que le tout Londres lui reprochait cette incartade. Il allait rapidement abandonner son épouse et se mettre en ménage à trois avec Emma et leur fille, Horatia, et même un temps en ménage à quatre, puisque sir William, le mari d’Emma, vivait avec eux ! C’est à Admiralty House que lord Spencer, premier lord de l’Amirauté, reçut la nouvelle de la victoire de Nelson à la bataille du Nil (1798). Elle lui vaudra le titre de baron et le droit de s’appeler désormais lord Nelson. C’est à Admiralty House, aussi, que le successeur de Spencer, lord Barham, reçut la nouvelle de la victoire de Nelson à la bataille de Trafalgar (21 octobre 1805) et de la mort du héros de la Royal Navy.
Y aller : station de métro Embankment (Circle, District, Northern ou Bakerloo lines), Charing Cross (Northern ou Bakerloo lines), voire Westminster (Jubilee, Circle ou District lines).
A lire : Colin Brown, Whitehall. The Street that Shaped a Nation, Londres, Pocket Books, 2010.
Apsley House

© Chiara Martini
Pour la biographie du duc de Wellington, voir le personnage n° 22 dans le Parcours Napoléon dans la Waterloo Chamber du château de Windsor.
S’il ne fallait citer qu’un lieu dans ce Parcours Napoléon à Londres, cela serait sans doute la demeure des ducs de Wellington, à Hyde Park Corner (à l’angle de Piccadilly, Park Lane et Knightsbridge). C’est un véritable musée à la gloire du vainqueur de Napoléon et donc aussi à celle du vaincu de Waterloo. Comme nous l’avons déjà dit, la gloire de l’un rejaillit immanquablement sur celle de l’autre. Il y avait sans doute aussi une forme de respect et d’admiration chez le général britannique. On dit qu’il sauva la vie de l’Empereur à plusieurs reprises. On dit aussi que l’Empereur soutint un complot pour assassiner Wellesley…
Construite dans les années 1770 pour lord Apsley, la demeure est l’œuvre de Robert Adam, un des frères architectes qui firent rayonner l’architecture néoclassique dans l’Angleterre géorgienne. En 1807, elle est rachetée par Richard Wellesley, frère aîné de sir Arthur Wellesley, général de l’armée britannique qui va bientôt lancer ses armées contre les troupes napoléoniennes dans la péninsule ibérique, d’où le nom de Peninsular War donné par les Anglais à la longue campagne d’Espagne. En 1817, celui qui est devenu le duc de Wellington et le plus glorieux héros de l’histoire britannique rachète la demeure à son frère. Comme Marlborough avant lui (qui a triomphé contre les armées de Louis XIV, notamment à la bataille de Blenheim), le gouvernement lui a octroyé une somme considérable pour se faire construire un Waterloo Palace, aux frais du contribuable reconnaissant, comparable au Blenheim Palace de l’Oxfordshire. Plus avisé que Churchill (John Churchill, 1er duc de Marlborough), il préfère utiliser cette fortune pour améliorer sa demeure londonienne, Apsley House. En 1947, Gerald Wellesley, 7e duc de Marlborough, a offert la résidence et ses collections à la Nation, en réservant toutefois à sa famille l’usage du second étage d’Apsley House.
Et ces collections, comme on peut l’imaginer, sont largement reliées à l’épopée napoléonienne. De la gigantesque statue de Canova représentant Napoléon, presque nu, en empereur romain, au pied de l’escalier, aux tableaux représentant Napoléon dans le salon du Portique ou Pauline Bonaparte, princesse Borghèse, dans le Salon rayé, en passant par les innombrables caricatures de l’Empereur, c’est effectivement un florilège des représentations en deux ou trois dimensions de l’ennemi et de ses proches.
Joseph est également évoqué à travers la fastueuse collection espagnole. Alors roi à Madrid, après l’avoir été à Naples, le frère de l’Empereur avait « emprunté » les toiles de maîtres des Bourbons d’Espagne et s’était enfui avec elles dans ses bagages. Reprise à la bataille de Vittoria (1813), la collection avait ensuite été offerte à Wellington par un Ferdinand VII restauré et plus que reconnaissant. Certains de ces tableaux sont aujourd’hui accrochés dans la Waterloo Gallery, la plus grande salle de la demeure. S’y côtoient Velázquez, Murillo, Goya, Giordano, Caravaggio, Brueghel, van Dyck et bien d’autres. Plus qu’une galerie d’art, cette salle est une sorte de lieu de mémoire patriotique, puisque c’est là que se déroule chaque année le Waterloo Banquet, un somptueux dîner agrémenté de discours, qui rappelle la victoire des Britanniques sur Napoléon.
Au rez-de-chaussée d’Apsley House, il existe aussi un musée proprement dit, installé ici par le deuxième duc après la mort de son père. Il renferme les somptueux cadeaux offerts par les souverains et gouvernements européens, mais aussi de nombreuses institutions britanniques, à celui qui les avait débarrassés de l’Empereur (on oublie le rôle que le Prussien Blücher joua dans cette victoire). En plus de l’impressionnant Waterloo Shield, offert par les marchands et banquiers de la Cité de Londres, on trouve plusieurs services de table en luxueuse porcelaine, des centres de table provenant des meilleurs manufactures européennes, ainsi qu’une série d’épées d’apparat et de bâtons de maréchal.
En face d’Apsley House se trouve le Wellington Arch et derrière, dans Hyde Park, le Wellington Monument (voir ces articles).
Y aller : station de métro Hyde Park Corner (Piccadilly Line).
A lire : BRYANT Julius, Apsley House. The Wellington Collection, Londres, English Heritage, 2005.
A consulter : la section consacrée à Apsley House sur le site de l’English Heritage, le site de la Wellington Collection.
Buckingham Palace

© Thomas Ménard
A l’époque qui nous intéresse, l’actuel Buckingham Palace était connu sous le nom de Queen’s House. Après son mariage avec Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, Georges III avait décidé de quitter le vieil et austère palais de Saint-James (voir cet article), d’offrir à son épouse Buckingham House, une charmante demeure champêtre à l’extrémité du parc de Saint-James, alors en pleine campagne, et d’y installer sa jeune famille. La Queen’s House était donc la demeure familiale, tandis que le palais voisin n’était utilisé que pour les cérémonies officielles et, plus tard, pour loger la nombreuse progéniture du souverain. Cette « maison de campagne » a toutefois joué un rôle important au cours des guerres contre Napoléon, puisque le roi y convoquait souvent ses ministres. Georges III fut obligé de se retirer au château de Windsor pendant les dernières années de sa vie, à cause de la maladie qui l’empêchait de régner.
Buckingham entra véritablement dans le paysage londonien à la mort de Georges III. Malgré le faste de Carlton House, Georges IV désirait un palais encore plus grandiose et jeta son dévolu sur l’ancienne demeure familiale. Il lança une vaste et couteuse campagne de travaux pour en faire un palais digne du vainqueur de l’Empereur. Les travaux furent si importants que ni lui (1820-1830), ni le duc de Clarence qui lui succéda sous le nom de Guillaume IV (1830-1837) n’eurent la possibilité de s’y installer. C’est donc leur nièce, la jeune reine Victoria, qui prit possession de ce qui était devenu Buckingham Palace, au tout début de son règne.
C’est, en soi, un monument à la gloire de la victoire britannique sur Napoléon, et donc, paradoxalement, un monument à la gloire de l’Empereur. Une importante quantité d’œuvres d’art, d’objets d’art décoratifs, mais aussi d’objets de la vie quotidienne rappelant le souvenir de Napoléon Ier y sont conservés. Certains sont visibles dans les grands appartements lorsqu’ils sont ouverts au public (par exemple l’impressionnante table des maréchaux), d’autres dans les expositions temporaires de la Queen’s Gallery, d’autres, enfin, sont entreposés dans les réserves du palais ou exposés dans ses espaces privés. Quelques-uns de ces trésors seront bientôt visible dans notre Parcours Napoléon dans les Collections royales. On peut aussi se reporter au Parcours Napoléon dans la Waterloo Chamber du château de Windsor.
Il convient également de rappeler à ceux qui suivent la relève de la garde au palais de Buckingham que la tradition de porter un bonnet en poil d’ours pour les Foot Guards (et en poil d’ourse pour leurs officiers) a été empruntée aux grenadiers de la Garde de l’empereur Napoléon après la victoire des Britanniques à Waterloo. Le premier régiment d’infanterie de la garde royale prit également son nom de Grenadier Guards à cette époque. Le port du bonnet en poil d’ours se répandit ensuite, au fil des décennies, au autres régiments d’infanterie de la garde royale (Coldstream Guards, Scots Guards, Irish Guards, Welsh Guards).
Y aller : stations de métro Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines) ou Victoria (Circle, District ou Victoria lines).
A lire : John Martin Robinson, Buckingham Palace. The Official Illustrated History, Londres, The Royal Collection, 2000.
Ashley Hicks, Buckingham Palace. The Interiors, New York City, Rizzoli, 2018. [Ashley Hicks est le petit-fils de lord Mountbatten et le filleul de feu le duc d’Edimbourg].
A consulter : la section consacrée au palais de Buckingham sur le site du Royal Collection Trust.
Carlton House Terrace

© Thomas Ménard
Sur le Mall, en partant d’Admiralty Arch, on a d’abord, sur la droite, deux immenses bâtiments identiques, une de ces fameuses terrace propre au paysage londonien (voir notamment Regent’s Park) et même anglais (par exemple le fameux Crescent de Bath). Nommées Carlton House Terrace, elles rappellent le souvenir de Carlton House, qui était la très luxueuse résidence du prince de Galles. Georges III vivait un peu plus loin, au palais de Saint-James ou à Buckingham House. Son fils aîné se fit construire ici ce qui est parfois considéré comme la plus fastueuse demeure de l’histoire londonienne. Elle avait son pendant à Brighton, le nom moins fameux Royal Pavilion, pastiche d’architecture indienne et de décoration sino-japonaise. C’est bien sûr depuis Carlton House que le prince de Galles, devenu Prince Régent en 1811, dirigea avec ses ministres la lutte contre Napoléon. Lorsqu’il succéda à son père en 1820, il décida de transformer Buckingham House en un gigantesque palais royal et sacrifia Carlton House, qui fut bientôt remplacée par les édifices actuels. Son souvenir est conservé au niveau des frontons, où figurent les trois plumes d’autruches du blason des princes de Galles.
Il convient de noter un autre lien avec la France : c’est tout au bout de Carlton House Terrace que celui qui partage avec Napoléon et Louis XIV les premières places dans les personnalités historiques préférées des Français, le général de Gaulle, installa son gouvernement de la France libre. A peine un siècle et demi après la guerre contre Napoléon, les Britanniques montraient leur solidarité et leur amitié envers le peuple français, comme, d’ailleurs, ils l’avaient fait avec Louis XVIII. La façade du 4 Carlton Gardens porte deux plaques : une Blue Plaque commémorant le séjour de De Gaulle à partir d’août 1940 et le texte de l’appel du général « A tous les Français », sculpté dans la pierre. De l’autre côté de la rue se trouve la statue de De Gaulle, fleurie par les représentants de la France, chaque année, le 18 juin.
Y aller : stations de métro Charing Cross (Barkerloo ou Northern lines) ou Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines).
Cleopatra’s Needle

© Thomas Ménard
Après la campagne d’Italie, qui le rend maître du Nord de la péninsule, l’ambitieux général Bonaparte est éloigné de Paris. L’idée germe dans la tête de certains de nuire aux Anglais, et notamment à leur commerce, en coupant la route maritime vers les Indes. A cette fin, Napoléon est envoyé en Egypte, alors sous domination ottomane, même si l’ancienne terre des pharaons dispose alors d’une réelle autonomie. Si, une fois débarquée, l’armée française remporte une victoire à la fameuse bataille des Pyramides (21 juillet 1798), elle est rapidement bloquée en Egypte : les 1er et 2 août, la flotte française est détruite par celle de l’amiral Nelson. C’est la bataille d’Aboukir, pour les Français, et celle du Nil, pour les Anglais. Quelques années plus tard, alors que le général corse est déjà rentré en France, où il a été nommé Premier consul suite au coup d’Etat du 18 brumaire, c’est sir Ralph Abercrombie qui remporte une série de victoires essentielles pour conforter les positions anglaises en Orient et restaurer, à terme, l’indépendance de l’Egypte.
En 1819, pour en remercier les Britanniques, Mehmet Ali, vice-roi d’Egypte, décide d’offrir un obélisque antique à la nation victorieuse. Il s’agit d’un monument en granit d’Assouan, dressé à Héliopolis par le pharaon Thoutmôsis III, vers 1450 avant notre ère. Les inscriptions hiéroglyphiques du successeur d’Hatchepsout avaient été complétées, deux siècles plus tard, par celles du fameux Ramsès II. En 12 avant Jésus-Christ, les Romains l’avaient transféré au Césaréum, un temple construit à Alexandrie par la non moins fameuse Cléopâtre VII en l’honneur de Marc Antoine, mais transformé par Auguste en temple dédié à Jules César.
Le gouvernement de Londres accepte le principe du cadeau, mais refuse de prendre en charge le transport. C’est donc près de 50 ans plus tard que l’obélisque arrive finalement à Londres, après un voyage rocambolesque, à bord du Cleopatra, un navire construit sur mesure, mais qui a failli sombrer au large de l’Espagne. Le 21 janvier 1878, le chargement pénètre dans l’estuaire de la Tamise. Le 12 septembre suivant, l’obélisque, dit de Cléopâtre, est érigé sur Victoria Embankment (on avait d’abord pensé l’installer devant le Parlement !). Une capsule temporelle remplie d’objets de l’époque est scellée dans la base.
Il convient de se rappeler que Mehmet Ali avait également fait un cadeau à Charles X, au début des années 1830. Il s’agissait cette fois de remercier la France pour l’aide apportée par Champollion dans la découverte des secrets des hiéroglyphes. Le vice-roi d’Egypte n’offrait pas un, mais deux obélisques, ceux érigés à l’entrée du temple de l’ancienne Thèbes par la XIXe dynastie. Finalement, un seul sera envoyé en France et installé le 25 octobre 1836, sur la place de la Concorde. Le second, resté à Louxor, fut offert à l’Egypte par François Mitterrand, pendant sa présidence ! Il est intéressant de noter que l’obélisque de Londres fut offert dix ans plus tôt, mais installé quarante ans plus tard. Sur ce point, les Français ont bel et bien gagné la campagne d’Egypte !
Contrairement à ce que l’on imagine souvent, Jean-François Champollion n’a pas participé à l’expédition scientifique qui accompagnait les armées françaises pendant la campagne d’Egypte, pour la simple et bonne raison que, né le 23 décembre 1790, il était âgé de 7 ans seulement lorsque la flotte de Bonaparte a quitté le port de Toulon le 19 mai 1798 ! C’est toutefois bien à partir de la pierre de Rosette, découverte par un soldat français le 15 juillet 1799, qu’il est parvenu à déchiffrer l’ancienne écriture des pharaons. Mais la pierre avait été reprise par les Anglais en 1801 et transférée au British Museum l’année suivante. C’est à partir d’un relevé que Champollion fit sa découverte, à Paris, en 1822, sept ans après la chute définitive de l’Empire et l’année suivant la mort de l’Empereur à Sainte-Hélène.
Y aller : station de métro Embankment (Circle, District, Northern ou Bakerloo lines).
A lire : Bob Brier, Cleopatra’s Needle, Londres, Bloomsbury, 2016.
Colonne du duc d’York

© Chiara Martini
Entre les deux bâtiments formant Carlton House Terrace (voir cet article), une volée de marches permet de relier le Mall et Pall Mall. A leur sommet, une immense colonne surplombe le quartier. Plus petite que celle de Nelson à Trafalgar Square (42 mètres contre 52), la colonne du duc d’York est un hommage à l’un des fils de Georges III, le frère puiné du Prince Régent, Frédéric Auguste de Hanovre, duc d’York et d’Albany (1763-1827). Une courte biographie de ce personnage est disponible dans le Parcours Napoléon dans la Waterloo Chamber du château de Windsor. Disons simplement ici qu’il fut le seul membre de la famille britannique à se battre contre Napoléon sur le terrain, c’est-à-dire à commander des unités sur les champs de bataille. Il fut même le commandeur en chef des forces britanniques pendant la plus grande partie des guerres de la Révolution et de l’Empire (1795-1809 puis 1811-1827). A sa mort, c’est le duc de Wellington qui lui succède, comme nous l’avons vu à Horse Guards. Ce personnage très populaire, qui aurait pu être roi s’il n’était pas mort avant son frère aîné, se vit offrir un monument à sa gloire, entièrement financé par l’armée (un jour de paie par l’ensemble des soldats et des officiers, soit près de 2 millions de livres sterling d’aujourd’hui). La colonne fut achevée en décembre 1832 et sa statue par sir Richard Westmacott inaugurée le 10 avril 1834. Les mauvaises langues disent que le duc d’York avait dû grimper bien haut pour échapper à ses nombreux créanciers ! C’est en tout cas le souvenir, en plein cœur de Westminster, d’un des autres grands opposants militaires à l’Empereur.
Y aller : stations de métro Charing Cross (Barkerloo ou Northern lines) ou Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines).
Downing Street

© Thomas Ménard
Avant d’être le cul-de-sac surprotégé où travaille et habite le Premier ministre, Downing Street était une rue à peu près comme les autres.
C’est dans cette rue, au numéro 14, qui n’existe plus, que se déroula la seule rencontre entre Nelson et le futur duc de Wellington. Par un beau matin d’automne, le 12 septembre 1805, l’amiral avait été convoqué par Castlereagh, alors ministre de la Guerre et des Colonies. Le 2 septembre précédent, le capitaine Henry Blackwood, qui avait pris part au blocus de la flotte française commandée par l’amiral Villeneuve, était arrivé à Londres pour annoncer qu’une trentaine de navires français et espagnols avaient été repérés dans le port de Cadix. Avant de partir pour la zone, lord Nelson avait fait le tour des principaux ministres. C’est donc dans l’antichambre de Castlereagh qu’il fit la connaissance du futur tombeur de Napoléon. Arthur Wellesley était l’une des étoiles montantes de l’armée britannique. Dans son journal, il laisse un portrait assez peu chaleureux du marin, visiblement très suffisant et qui fit un long monologue sans vraiment s’intéresser à ce que le soldat aurait éventuellement à dire. Ce dernier fut néanmoins fasciné par celui qui, quelques semaines plus tard, le 21 octobre 1805, allait succomber à la balle d’un fusil français, à l’issue de la bataille navale de Trafalgar.
Y aller : station de métro Westminster (Circle, District ou Jubilee lines).
A lire : Colin Brown, Whitehall. The Street that Shaped a Nation, Londres, Pocket Books, 2010.
Holland Park

© Thomas Ménard
A travers le testament qu’il a rédigé peu de temps avant sa mort, Napoléon a laissé des sommes considérables à toute une série de personnes : cela va des compagnons de Sainte-Hélène à un homme soupçonné d’avoir voulu assassiner le duc de Wellington. A part quelques membres de sa famille, la seule femme citée dans son testament est une Britannique, lady Holland.
Le 6 juillet 1797, Elizabeth Vassall épousait Henry Fox, 3e baron Holland, deux jours après avoir divorcé de son premier mari. On ne sera pas surpris d’apprendre que lord et lady Fox étaient parmi les libéraux les plus en vue du Royaume-Uni. Le baron Holland était d’ailleurs le neveu de Charles James Fox, un des plus grands orateurs de cette époque, ennemi acharné de Pitt, et désormais inhumé avec lui sous les voûtes de l’abbaye de Westminster (voir leurs notices biographiques dans le Parcours Napoléon dans l’abbaye). Avec son amie Georgiana Cavendish, duchesse de Devonshire (née Spencer, son frère étant l’ancêtre de feue la princesse de Galles), lady Holland était l’égérie du parti whig, ainsi qu’une grande admiratrice de Napoléon. On aurait tort de croire que tous les Britanniques haïssaient l’Empereur et que l’Empereur haïssait tous les Britanniques.
Si les libéraux étaient bien sûr favorables à la victoire militaire de leur pays, ils étaient aussi intéressés par les réformes modernisatrices de l’Empereur, comme ils l’avaient été par les premiers aspects de la Révolution française. La plupart avaient vite changé d’avis avec les massacres des aristocrates et la mise en place de la Terreur. Holland et consorts s’insurgèrent donc contre la relégation de Napoléon au milieu de l’Atlantique Sud et sur les conditions de son exil. Rappelons d’ailleurs qu’une partie importante de l’opinion britannique les suivaient sur ce point, ce qui explique la détestable opinion que les Anglais eurent de sir Hudson Lowe, gouverneur de Sainte-Hélène et geôlier de l’Empereur. A la mort de Napoléon, celui qui aurait pu devenir le troisième élément d’une trilogie Nelson-Wellington-Lowe dut être envoyé pour gouverner Ceylan, peut-être pour sa propre sécurité… Il est important de se souvenir que les Britanniques eurent paradoxalement une part essentielle dans la construction et l’entretien de la légende napoléonienne.
Lady Holland ne fit pas que parler et agiter les esprits. Pour améliorer le sort du prisonnier, elle envoya des vivres et des livres à Longwood House. C’est pour la remercier que Napoléon lui légua la boîte à priser, exposée dans l’exposition Napoléon n’est plus au musée de l’Armée – Hôtel des Invalides, et qui est l’œuvre sélectionnée par Chantal Prévot dans le choix des commissaires publié sur notre site. Il semblerait que ce soit Bertrand et Montholon qui se soient rendus en personne à Holland House pour remettre la relique de l’Empereur. A sa mort, elle la légua à son tour, au British Museum, où elle est aujourd’hui conservée.
Il ne reste pas grand chose de Holland House, l’une des plus grandes demeures de Kensington, sinon l’ancienne façade qui sert aujourd’hui de décor grandiose à une scène d’opéra (Opera Holland Park). Ce fut pourtant l’un des lieux où résonna le plus souvent le nom de Napoléon, en bien, ce qui était sans doute guère le cas dans la plupart des autres demeures de l’aristocratie britannique.
Il convient de signaler un aspect de lady Holland qui renvoie à l’une des polémiques actuelles sur Napoléon. Bien que libérale, elle tirait sa fortune personnelle de l’exploitation d’esclaves noirs dans les Indes occidentales, c’est-à-dire aux Antilles. Son époux, qui profitait de cette manne pour mener un train de vie princier, ferma lui aussi les yeux sur ce que l’on pourrait considérer comme une incohérence idéologique. A moins que l’on ne se rappelle que les principes et les valeurs de 2021 ne sont tout simplement pas les mêmes que ceux d’il y a deux siècles.
Y aller : station de métro Holland Park (Central Line).
A consulter : le site de l’Opera Holland Park.
Horse Guards

© Thomas Ménard
Horse Guards est à la fois le nom de la cavalerie de la Garde royale et le nom du bâtiment qui trône au milieu de Whitehall, donnant, du côté de St James’s Park, sur Horse Guards Parade. A l’époque où Henri VIII commença à développer le palais royal de Whitehall, Horse Guards Parade était, déjà, une immense esplanade où se déroulaient les tournois du souverain et de ses chevaliers. Plus tard, Charles Ier y fit construire un bâtiment pour la garde, juste en face de l’entrée du palais. S’il abritait à la fois l’infanterie et la cavalerie de la Garde (Foot Guards et Horse Guards), on prit toutefois l’habitude de l’appeler Horse Guards (ou parfois Horse Guards Building). Aujourd’hui, les Foot Guards ont quitté Whitehall, pour protéger les palais de St James et Buckingham. Mais les Horse Guards sont restés à Horse Guards ! Il faut dire que c’est l’entrée cérémonielle des palais royaux. Par exemple, lorsque la reine se rend en procession au palais de Westminster ou à l’abbaye de Westminster, elle ne passe pas par Admiralty Arch et Trafalgar Square, mais à travers Horse Guards Parade et Horse Guard.
Au dessus de l’arche, du côté du champ de parade, se trouve une très belle salle agrémentée d’une fenêtre vénitienne. Pendant très longtemps, ce fut le bureau du commandant en chef de l’armée britannique (Commander-in-Chief). La victoire de Waterloo ayant fait du duc de Wellington le plus célèbre héros militaire du pays, il eut l’honneur d’être le chef suprême des forces britanniques, par deux fois (1827-1828, puis 1842-1852), et donc d’occuper le bureau de Horse Guards. D’ailleurs, son bureau (le meuble) est toujours dans son bureau (la pièce). C’est aujourd’hui celui du major général commandant la Maison militaire (Household Division), en charge du « London District », c’est-à-dire des forces armées basées à Londres (essentiellement les régiments de la Garde royale, mais pas uniquement). A noter que l’actuel occupant du bureau (au 21 avril 2021) est le major général Chris Ghika, qui est lui-même de sang royal, puisque ses ancêtres régnèrent jadis sur la Moldavie et la Valachie.
C’est tout naturellement dans son bureau de Horse Guards que fut dressée l’ultime chapelle ardente après la mort du duc de Wellington. Décédé le 14 septembre 1842 à Walmer Castle, la résidence qu’il occupait dans le Kent en sa qualité d’amiral des Cinq-Ports, il fut transféré au fameux hôpital militaire de Chelsea le 10 novembre, avant d’être ramené à Horse Guards la veille de ses funérailles nationales, le 18 novembre. C’est de Horse Guards Parade que partit le convoi funéraire qui, après un détour par Apsley House, se rendit à la cathédrale Saint-Paul. Le héros de Waterloo était accompagné de 10 000 soldats, sans compter les centaines de milliers de personnes venus pour assister à la procession.
Y aller : station de métro Westminster (Circle, District ou Jubilee lines).
A lire : Colin Brown, Whitehall. The Street that Shaped a Nation, Londres, Pocket Books, 2010.
Kensal Green Cemetery

© Thomas Ménard
Une place particulière doit être faite au cimetière de Kensal Green dans ce Parcours Napoléon à Londres. C’est ici, parmi un quart de millions de personnes, que repose Betsy Balcombe (1802-1871).
Lorsque Napoléon arriva à Sainte-Hélène, il dut d’abord passer une nuit à Jamestown. Puisque Longwood House n’était pas prête, il allait ensuite résider pendant plusieurs semaines dans un pavillon du domaine des Briars, qui appartenait aux parents de Betsy. L’île était alors la propriété de la Compagnie britannique des Indes orientales. William Balcombe était l’un de leurs employés.
On dit que Lucia Elizabeth, dite Betsy, fut d’abord terrifiée par ce diable de Français. Mais les deux s’amadouèrent vite. L’empereur déchu de 47 ans et la fillette de 13 ans devinrent de bons amis. Elle fut même autorisée à l’appeler Boney, le surnom que lui donnait les Britanniques, notamment dans les caricatures de la presse londonienne, et qui était loin d’être une marque de respect. Après l’installation de l’Empereur sur le plateau venteux de Longwood, Betsy viendra rendre visite à Napoléon à de nombreuses reprises, tout comme bien d’autres sujets de Georges III, certains curieux, d’autres compatissants, certains cruels, d’autres amicaux. La haine que portait l’Empereur aux Anglais est donc à relativiser : il sut trouver des amis et des soutiens parmi ces « boutiquiers ».
Et puis, en mars 1818, les Balcombe rentrèrent en Angleterre. La belle amitié de Betsy et de Boney était terminée. Elle allait mourir tout juste 50 ans après son vieil ami, en juin 1871, et être inhumée, parmi d’autres Anglais de Sainte-Hélène, à Kensal Green Cemetery, un véritable cimetière victorien comme on les imagine, plein de mausolées romantiques, de tombes à l’inspiration gothique, d’âmes mélancoliques, au milieu d’une nature foisonnante, mais en plein cœur de Londres.
Y aller : gare de Kensal Green (Bakerloo Line et Overground).
A lire : James Stevens Curl, Kensal Green Cemetery. The Origins and Development of the General Cemetery of All Souls, Kensal Green, London, 1824-2001, Londres, Phillimore & Co, 2001.
A consulter : le site de Kensal Green Cemetery et celui des Friends of Kensal Green Cemetery.
Lancaster House

© Thomas Ménard
Comme d’autres étapes de ce parcours, il peut paraître anachronique d’évoquer ce palais. Il est postérieur à la mort de Napoléon, puisque sa construction s’est achevée en 1825. Il est toutefois important de se rappeler qu’il a été construit, sous le nom de York House, pour le seul membre de la famille royale à avoir officié sur les champs de bataille contre les armées napoléoniennes. Il s’agit bien sûr du duc d’York, plus longuement évoqué dans l’article sur la colonne du duc d’York. Second fils de Georges III, il n’eut guère le temps de profiter de sa somptueuse demeure puisqu’il est mort en 1827, deux ans après sa construction. Mais surtout, il n’eut pas le temps de régner. Héritier du trône après la mort de sa nièce, la princesse Charlotte de Galles, il est mort trois ans avant son frère aîné. C’est donc le frère suivant, le duc de Clarence, qui est devenu prince héritier, puis souverain du Royaume-Uni en 1830, sous le nom de Guillaume IV.
Après sa mort, la demeure appartint aux ducs de Sutherland, puis à un richissime industriel, William Lever (son entreprise donna plus tard naissance au géant Unilever). Originaire du Lancashire, il lui donne son nom actuel et l’offre à la nation britannique, en 1913, un an seulement après en avoir fait l’acquisition. C’est là que logée la cave à vin du gouvernement depuis 1922. Lancaster House est aujourd’hui utilisée pour de grandes conférences internationales, notamment celles qui ont conduit à un renforcement de l’alliance militaire entre la France et le Royaume-Uni. Il est à noter que c’est souvent ce palais qui est utilisé pour tourner des films ou des séries sensés se dérouler à Buckingham Palace !
Y aller : station de métro Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines).
A lire : James Yorke, Lancaster House. London’s Greatest Town House, Londres, Merrell, 2001.
A consulter : la section consacrée à Lancaster House sur le site du gouvernement britannique.
Marble Arch
Quand on voit Marble Arch à l’angle de Hyde Park, le rapport avec l’Empereur peut paraître évident. Il est inspiré de l’arc de Constantin à Rome, mais surtout de l’arc du Carrousel, que Napoléon fit construire pour servir d’entrée au palais des Tuileries. Aussi, lorsque George IV décida de transformer Buckingham House en Buckingham Palace, fut-il décidé qu’on y accéderait par un arc de triomphe. Le projet de l’architecte John Nash prévoyait une large frise consacrée à Waterloo, ainsi que des bas-relief commémorant l’amiral Nelson, mais aussi une statue équestre de Georges IV, à son sommet. Le monument était donc très largement dédié aux victoires contre la France napoléonienne. Les travaux débutèrent en 1827 mais, trois ans plus tard, à la mort du roi mégalomane, son frère préféra un portail un peu plus discret. L’arc de triomphe, orné de décors en marbre blanc, fut terminé en 1833. Il se trouvait à l’emplacement de l’actuelle façade de Buckingham Palace (là où se trouve le fameux balcon). En 1847, la reine Victoria et le prince Albert décidèrent de fermer la cour d’honneur du palais par une quatrième aile, afin d’aménager des chambres supplémentaires pour leur famille de plus en plus nombreuse, pour les invités de passage et pour la nombreuse domesticité. Marble Arch fut démonté par l’entrepreneur Thomas Cubbit (l’arrière-arrière-arrière-grand-père de Camilla, duchesse de Cornouailles) et reconstruit à l’angle de Hyde Park.
Y aller : station de métro Marble Arch (Central Line).
Marlborough House

© Thomas Ménard
Marlborough House, par le parallèle entre le duc de Marlborough et le duc de Wellington, illustre un des aspects méconnus de notre histoire.
Le premier, John Churchill (1650-1722), reçut ce titre pour avoir battu les armées de Louis XIV, dans le cadre de la guerre de Succession d’Espagne. A titre de récompense de la Nation pour ses victoires, la Couronne lui offrit la jouissance d’un domaine royal près d’Oxford et le Parlement une véritable fortune pour y faire édifier sa demeure, Blenheim Palace, du nom de la victoire de 1704. Le loyer du domaine royal était symbolique : chaque année, le duc de Marlborough devait offrir la copie d’un drapeau fleurdelysée pris sur un champ de bataille. C’est à peu près ce qui se passa pendant les guerres napoléoniennes avec Arthur Wellesley. Il fut élevé au titre de duc de Wellington, pour ses victoires en Espagne et avant même Waterloo, puis se vit offrir par la Couronne le domaine de Stratfield Saye, dans le Hampshire, et une véritable fortune pour s’y faire construire un Waterloo Palace. Plus raisonnable que Marlborough, Wellington accepta le domaine et l’argent, mais préféra ne pas y faire construire un aussi coûteux palais que Blenheim.
Notons que Marlborough House aurait dû devenir la résidence officielle londonienne de la princesse Charlotte, fille et héritière du Prince Régent, et de son époux, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, oncle de la reine Victoria et futur roi des Belges. Plus tard, c’est là que résidèrent le prince de Galles, futur Edouard VII, puis les veuves des souverains décédés. Après la mort de Georges VI, la Reine Mère se retira à Clarence House et sa fille, la reine Elizabeth, fit de Marlborough House le siège du secrétariat général du Commonwealth.
Y aller : stations de métro Charing Cross (Barkerloo ou Northern lines), Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines) ou St James (Disctrict ou Circle lines).
A consulter : la page consacrée à Marlborough House sur le site internet du Commonwealth.
Old Royal Naval College

© Thomas Ménard
Si l’on peut considérer le Royal Hospital de Chelsea comme une réponse anglaise à l’hôtel des Invalides des Français, le Royal Hospital de Greenwich l’est aussi. Chelsea était réservé aux vétérans des armées royales, Greenwich à ceux de la Royal Navy. Cela coïncidait d’ailleurs avec l’histoire navale du lieu, coincé entre l’arsenal de Woolwich et les chantiers navals de Deptford. Lorsque Guillaume II et Marie décidèrent de ne plus utiliser le palais royal de Greenwich, ils utilisèrent le terrain pour construire le Royal Hospital for Seamen, sur des plans de sir Christopher Wren. L’ensemble formé avec la Queen’s House d’Inigo Jones et la colline de Greenwich Park couronnée par la statue du général Wolfe (celui qui a pris le Québec aux Français) et le Royal Observatory est considéré par certains comme la plus belle perspective du Royaume-Uni (surtout vu depuis Island Gardens, à la pointe de l’Isle of Dogs).
Bien des marins blessés lors des batailles navales contre la flotte de Napoléon ont du prendre leurs repas dans le somptueux réfectoire qu’était le Painted Hall de James Thornhill ou assister aux offices dans la chapelle de James « Athenian » Stuart. Ces deux lieux font partie des meilleurs exemples de décoration intérieure britannique, baroque pour l’un, néoclassique pour l’autre.
C’est là, aussi, que fut dressée la chapelle ardente de l’amiral Nelson. Tué le 21 octobre 1805 pendant sa victorieuse bataille de Trafalgar contre les flottes française et espagnole, il avait émis le souhait de reposer en territoire britannique. Sa dépouille fut enfermée dans un baril de brandy, afin de la conserver pendant le long voyage jusqu’à Albion, son dernier à bord du HMS Victory. Arrivé à Greenwich au soir du 23 décembre 1805, son corps fut transféré dans un cercueil de bois, construit à partir du mât de L’Orient, navire amiral de l’expédition de Napoléon en Egypte, qui fut détruit dans une explosion, le 2 août 1798, lors de la bataille du Nil, que les Français appellent bataille d’Aboukir. Rappelons que c’est cette victoire qui valut à Nelson son premier titre de noblesse, celui de baron Nelson du Nil.
Le cercueil fut installé dans une première chapelle ardente, dans la salle des archives de l’hôpital (aujourd’hui la Nelson Room). Du 5 au 7 janvier, le corps fut exposé dans le Painting Hall, pour ce que les Anglais appellent un « lying in state ». Des milliers de personnes vinrent se recueillir devant la dépouille du héros. L’émotion était sincère. Lorsqu’il avait reçu la nouvelle de la victoire de Trafalgar et de la mort de Nelson, Georges III, en larmes, aurait dit : « Nous avons perdu plus que nous avons gagné ». L’amiral, en fait vice-amiral, avait pourtant sauvé le Royaume-Uni : en détruisant une partie de la flotte française, il avait confirmé la suprématie de la Royal Navy et écarté le risque d’une invasion des îles britanniques. Napoléon n’avait plus qu’à envoyer les troupes du camp de Boulogne et toutes les autres vers une autre proie. Cela tombait bien, finalement, il en avait besoin ailleurs.
Le 8 janvier, le cercueil de lord Nelson fut installé sur une barge de cérémonie et put commencer sa longue remontée des eaux de la Tamise, passant devant la Tour, sous le pont médiéval dont l’antique prédécesseur avait donné naissance à Londres, devant la cathédrale Saint-Paul, phénix baroque qui témoignait de la capacité de la nation britanniques à toujours renaître de ses cendres, devant bien des palais de cette élite qui l’avait envoyer se battre sur toutes les mers pour défendre leurs intérêts financiers et commerciaux, jusqu’au ponton de l’ancien palais de Whitehall. Là, comme nous l’avons dit dans le premier article, il rejoint l’Amirauté et, le lendemain, la cathédrale de Londres, sa dernière demeure.
Mais l’âme de Nelson resta sans doute à Greenwich, où elle inspira ceux qui apprenaient par cœur la bataille du cap de Trafalgar, alors que le Royal Hospital for Seamen de Chelsea était devenu l’académie navale, le Royal Naval College (1873-1898). Y étudia un certain Louis Mountbatten, dernier vice-roi des Indes, mais aussi, pour les Belges qui liront ce Parcours Napoléon à Londres, le prince Charles, comte de Flandres, régent de Belgique de 1944 à 1950.
Y aller : station DLR Cutty Sark ou gare de Greenwich depuis London Bridge, mais le meilleur moyen est d’arriver par bateau. Il faut en profiter pour visiter le National Maritime Museum qui renferme de très nombreux éléments en lien avec Nelson et Napoléon.
A lire : John Bold, Old Royal Naval College, Londres, ORNC & Jigshaw, 2014.
A consulter : le site internet du Old Royal Naval College.
Palace of Westminster

© Thomas Ménard
La lutte des Britanniques contre la France napoléonienne ne s’est pas seulement faite à bord des navires et sur les champs de bataille, mais aussi à la Cour, dans les cabinets des ministres, dans les offices des banquiers et des négociants (cette « Nation de boutiquiers », selon Napoléon), et surtout sur les bancs des deux chambres du Parlement.
La plus grande partie du bâtiment que nous connaissons aujourd’hui n’a pas connu cette glorieuse époque, puisque le palais de Westminster fut détruit par un incendie le 16 octobre 1834. Il fut reconstruit quelques années plus tard, entre 1840 et 1852 (et même 1876 pour certaines parties du New Palace), sous le règne de Victoria donc, par les architectes Charles Barry et Auguste Pugin (dont le père était Français).
Toutefois, c’est bien en ces lieux, dans le Old Palace, que Pitt, Fox, Perceval et autres Liverpool ont débattu, ou se sont battus, pour imposer leur vision de la guerre contre l’Empereur. Pour des biographies succinctes de certains de ces personnages, et de bien d’autres, voir le Parcours Napoléon dans la Waterloo Chamber du château de Windsor et le Parcours Napoléon à l’abbaye de Westminster.
Alors, que reste-t-il, aujourd’hui, de l’épopée napoléonienne au palais de Westminster ? D’abord, des tas d’archives parlementaires sur le sujet, aujourd’hui conservées dans les étages supérieurs de la Victoria Tower, mais qui vont bientôt déménager dans un lieu plus adapté à leur conservation. Ensuite, deux immenses tableaux qui, dans la Royal Gallery, représentent les deux grandes victoires britanniques : Trafalgar et Waterloo. Enfin, le Westminster Hall, témoin d’un des plus fastueux événements qui clôtura pour de bon l’affrontement avec Napoléon.
La Royal Gallery se trouve au cœur des appartements royaux du palais, qui a toujours le statut de palais royal, raison pour laquelle la bannière du souverain, le Royal Standard, est hissé sur la Victoria Tower à la place de l’Union Jack lorsque la reine est présente pour le State Opening of Parliament. C’est ici que sont exposées deux immenses toiles commémorant la bataille de Trafalgar du 21 octobre 1805, qui anéantit le projet de l’Empereur d’envahir les îles britanniques avec les troupes amassées au camp de Boulogne et ailleurs sur les côtes de la Manche, et la bataille de Waterloo du 18 juin 1815 qui met un terme final à l’Empire et à la domination de Napoléon sur une grande partie de l’Europe. The « Death of Nelson » et « The Meeting of Wellington and Blucher after Waterloo » ont été peintes par l’artiste Daniel Maclise. La première a été terminée en 1865, la seconde quelques années plus tôt, en 1859. Il est intéressant de noter que le prince Albert, époux de la reine Victoria, a apporté son aide au peintre, notamment en lui fournissant des croquis des uniformes portés par les différents régiments. Les collections du Parlement conservent d’ailleurs un croquis du prince Albert qui a servi a représenter le Prussien Blücher.
L’autre lieu, indirectement marqué par la fin de l’Empire, c’est le Westminster Hall, cet immense vaisseau de pierre et de bois qui remonte au règne de Guillaume II, le fils du Conquérant, à la fin du XIe siècle. La plus ancienne et la plus grande salle du palais de Westminster a eu de nombreuses fonctions à travers les siècles : on s’en est servi notamment pour les grands procès politiques de l’histoire anglaise (William Wallace, sir Thomas More, Guy Fawkes et bien sûr Charles Ier), pour les discours devant les deux chambres réunies d’éminentes personnalités (Mandela, Benoît XVI, Obama), mais aussi pour des évènements plus tristes, comme les veillées des dépouilles des souverains, depuis Edouard VII en 1910, ou de leurs épouses (lying in state).
Mais, jusqu’à Georges IV, c’est aussi dans le Westminster Hall que se tenait le grand banquet qui faisait suite au couronnement des nouveaux souverains, dans l’abbaye de Westminster voisine. Le plus époustouflant de ces banquets, et d’ailleurs le dernier, fut donc celui de Georges IV, le 19 juillet 1821. En droit, c’est son père, le roi Georges III, qui régna tout au long des guerres contre la France révolutionnaire, puis la France napoléonienne. Mais, c’est bien connu, celui-ci était incapable de régner, du fait de troubles mentaux. Dès 1811, c’est donc son fils, le prince de Galles, qui exerça la régence. Malgré la guerre, l’Angleterre entra dans une des phases les plus brillantes de son histoire. Le Prince Régent était quelque peu mégalomane et ce qu’on appellerait aujourd’hui « bling bling ». Sa vie, très dissolue, avait pour cadre les plus beaux palais, les plus luxueux décors, les plus riches vêtements, les plus copieux repas… Son banquet de couronnement fut à la hauteur de la réputation de celui qu’on appelait le « Premier gentleman de l’Europe » : excessif et grandiose. Le couronnement couta 25 fois plus cher que celui de son père, l’équivalent de 22 millions de livres sterling d’aujourd’hui ! Mais c’était aussi un acte politique, une manière de montrer la victoire totale des Britanniques (et de leurs subsides aux puissances européennes) sur Napoléon. D’autant plus qu’il se tint très exactement 76 jours après la mort de l’Empereur à Sainte-Hélène, le 5 mai, et 15 jours après l’arrivée de la nouvelle de sa mort à Londres, le 4 juillet.
Y aller : station de métro Westminster (Circle, District ou Jubilee lines).
A lire :
The Story of Parliament. Celebrating 750 years of Parliament in Britain, Londres, The History of Parliament Trust, 2012.
The Palace of Westminster. Official Guide, Londres, Houses of Parliament, 2012.
Richard Tames, Parliament and its Building, Oxford, Shire Publications, 2012.
Robert Wilson, Houses of Parliament, Cheltenham, Pitkin Publishing, 2011.
A consulter : la section consacrée au patrimoine du palais de Westminster sur le site officiel du Parlement.
St James’s Palace

© Chiara Martini
Ancienne léproserie transformée en palais royal par Henri VIII, le palais de Saint-James était le siège de la cour à l’époque napoléonienne. En fait, les appartements royaux n’étaient utilisés que quelques heures par jour, pour les levers (Levées en anglais, avec l’accent français, qui se tenaient à partir de midi, le mercredi et le vendredi, ainsi que le lundi lorsque le Parlement siégeait) et les réceptions nommés Drawing Rooms (le jeudi après-midi et le dimanche après la messe du matin). Le reste du temps, Georges III et son épouse, la reine Charlotte, vivaient à la Queen’s House (voir Buckingham Palace). Toutefois, à partir de 1788, la maladie du roi le poussa à se retirer pour des périodes de plus en plus longues, jusqu’à ce que la régence soit finalement instaurée au profit de son fils, le prince de Galles, en 1811. En l’absence du roi, les cérémonies officielles étaient présidées par la reine ou l’un des princes. Le Prince Régent préférait recevoir à Carlton House (voir Carlton House Terrace). Tout au long des guerres de la Révolution et de l’Empire, et malgré la folie du roi Georges, le palais de Saint-James continua donc à avoir un rôle central dans la vie sociale et politique britannique.
Le palais servait aussi de résidence à certains des fils du roi.
Le troisième fils, le duc de Clarence, se vit accorder une maison à l’angle du palais de Saint-James, du côté de Buckingham House (la demeure blanche, en prolongement de la façade en brique du palais, du côté de St James’s Park). Elle prit naturellement le nom de Clarence House. C’est aujourd’hui la demeure du prince Charles, après avoir été celle de ses parents, avant l’accession de sa mère au trône, puis de sa grand-mère, la Reine Mère, après l’accession.
Le cinquième fils, le duc de Cumberland, s’installa quant à lui du côté de Pall Mall, dans York House, du nom d’un précédent duc d’York. C’était un drôle de personnage, encore plus excentrique que ses frères, qui finit par assassiner un de ses valets dans ses appartements. En 1814, après la prise de Paris et la première abdication de l’empereur Napoléon, c’est ici que fut logé Alexandre Ier, empereur de Russie, tandis que Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse, logeait à Clarence House. Le général Blücher, qui allait partager avec Wellington la victoire finale contre Napoléon à Waterloo, était également logé au palais. En fait, le tsar n’utilisa York House que pour ses réceptions officielles et préféra résider à l’hôtel avec sa sœur ! Quoiqu’il en soit, le palais de Saint-James était à nouveau au cœur de la vie nationale (voire internationale), alors que les Alliés étaient venus célébrer la victoire à Londres.
En 1809, un terrible incendie avait détruit une partie du palais, du côté de Marlborough House, mais sans toucher la chapelle d’Inigo Jones. Depuis, la chapelle et le palais sont séparés par une rue, Marlborough Road. La cour ouverte que nous voyons aujourd’hui, Friary Court, était entourée de bâtiments avant l’incendie. Les touristes l’oublient souvent, mais c’est là que se déroule aujourd’hui une partie de la relève de la garde. C’est également sur le balcon qu’il est de tradition de proclamer l’accession du nouveau souverain, après une réunion du conseil dans un des salons d’apparat du palais. Il convient de rappeler, en effet, que le palais de Saint-James est toujours le siège officiel de la monarchie britannique, depuis l’incendie du palais de Whitehall en 1698. D’ailleurs, on parle toujours de la « cour de Saint-James » et les ambassadeurs sont officiellement accrédités « près la cour de Saint-James ». Le palais de Buckingham n’est « que » la résidence officielle du souverain à Londres.
Y aller : station de métro Green Park (Jubilee, Piccadilly ou Victoria lines).
A lire : Kenneth Scott, St James’s Palace. A History, Londres, Scala, 2010.
St Paul’s Cathedral

© Thomas Ménard
Joyau architectural de la Cité de Londres, entièrement reconstruit par sir Christopher Wren après le Grand incendie de 1666, l’église cathédrale Saint-Paul de Londres est très longtemps restée vide de monuments aux héros de la Nation. Pendant un siècle, ce fut d’ailleurs l’un des arguments du chapitre cathédral. L’évêque Richard Osbaldeston aurait même déclaré que si Wren avait voulu des statues dans son église, il en aurait mis ! Et puis, à la fin du XVIIIe siècle, les autorités religieuses du diocèse de Londres changèrent d’avis. L’abbaye de Westminster, érigée depuis des siècles en nécropole non seulement royale mais aussi nationale, était pleine de tombeaux, dalles, plaques, statues et autres monuments à la gloire des grands hommes… et quelques femmes. Certains prétendent que l’expression « déshabiller Paul pour habiller Pierre » serait apparue lorsque les rois ont attribué certaines des richesses de la cathédrale de Londres pour financer l’abbaye Saint-Pierre de Westminster. En ce XVIIIe siècle finissant, il était temps de rhabiller Paul !
On commença tranquillement : le 19 mai 1791, on choisit un emplacement pour le mémorial de John Howard, un Londonien, capturé par un navire français lors d’un voyage vers le Portugal en 1756, et qui avait ensuite versé des sommes considérables pour améliorer le sort des prisonniers dans les geôles anglaises. L’année suivante, Joshua Reynolds poussa à la création d’un second monument, cette fois pour l’illustre docteur Samuel Johnson. Auteur de l’un des premiers dictionnaires en langue anglaise, il était inhumé à l’abbaye de Westminster, mais on jugea utile d’élever un monument en sa mémoire à Saint-Paul, puisqu’il vivait non loin d’ici (on peut toujours visiter sa demeure dans une cour vers Fleet Street). Jamais deux sans trois ? Jamais deux sans quelques centaines d’autres, dans ce cas-là. La fonction de seconde nécropole nationale du Royaume-Uni était désormais attribuée à la cathédrale de Londres.
Cela tombait bien, puisque, en 1793, la France révolutionnaire déclarait la guerre au Royaume-Uni. Il s’en suivrait plus de vingt ans de guerres, des milliers de victimes et bon nombres de héros à commémorer. D’années en années, les bas-côtés, les chapelles, la crypte et même la nef de Saint-Paul se virent encombrés de monuments funéraires ou commémoratifs, mais certes beaucoup moins qu’à l’abbaye. Citons, parmi tant d’autres, le capitaine Georges Wescott, mort lors de la bataille du Nil (Aboukir, 1er août 1798); Cuthbert, lord Collingwood, un amiral qui prit la suite de Nelson à Trafalgar et fut tué en mer cinq ans plus tard, le 7 mars 1810 ; le lieutenant-général sir Ralph Abercrombie, tué à la seconde bataille d’Aboukir (28 mars 1801); sir John Moore, le premier grand héros des guerres au Portugal et en Espagne, tué lors de la retraite de La Corogne (16 janvier 1809) ; le capitaine George Duff, tué à Trafalgar (12 octobre 1805), et sir William Ponsonby, tué à Waterloo (18 juin 1815).
Mais les véritables vedettes de ce panthéon militaire sont bien sûr les héros de ces deux dernières batailles, l’amiral Nelson et le duc de Wellington.
Tué d’une balle française tirée depuis les voiles du Redoutable, Horatio, vicomte Nelson (1758-1805) est celui qui, pendant presque dix ans, tint en respect la flotte française et l’empêcha d’attaquer les iles britanniques. Alors que les trompettes de la victoire résonnaient déjà pour les Britanniques au large du cap de Trafalgar, il poussait son dernier soupir dans les bras du fidèle Hardy. La tradition était de jeter le corps des marins dans les limbes du grand océan. « To the Glory of […Those…] who have no Grave but the Sea », comme le dit le mémorial de Tower Hill ! Mais Nelson avait souvent répété qu’il voulait être inhumé dans le sol de la mère patrie. N’avait-il pas proclamé, avant plusieurs batailles, « Westminster Abbey, or Victory » ? Son choix ne fut qu’à moitié respecté, puisque, s’il fut enterré à Londres, ce fut à Saint-Paul, et non à Saint-Pierre ! Après avoir reposé dans le Painted Hall du Royal Hospital de Greenwich (voir Old Royal Naval College), puis passé sa dernière nuit au siège de l’Amirauté (voir Admiralty), une procession fort solennelle (32 amiraux, 100 capitaines, 10 000 soldats) conduit son corps jusqu’à l’église cathédrale, où fut célébrée une messe qui dura plus de quatre heures. L’amiral Nelson fut inhumé dans un monumental sarcophage dans la crypte, tandis qu’une statue, simple cénotaphe, ornait le transept sud, celui qui fait face à la Tamise et, aujourd’hui, au Millenium Bridge. Le sarcophage n’était pas n’importe lequel : commandé par Thomas Wolsey, il était passé à Henri VIII après la disgrâce du cardinal. Il fut finalement offert par le roi Georges III, reconnaissant, au grand homme de Trafalgar.
Près de 50 ans après Trafalgar, et 37 ans après Waterloo, son compère Wellington vint le rejoindre. Comme nous l’avons vu, ils ne s’étaient rencontrés qu’une fois chez le ministre de la Guerre (voir Downing Street). Ils reposent désormais à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre. On dit que l’office funèbre d’Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington, fut la cérémonie la plus grandiose qui se soit déroulée à la cathédrale Saint-Paul. Le 18 novembre 1853, 1 million de personnes assistèrent à la procession entre Horse Guards (voir ce lieu) et la Cité de Londres. 13 000 privilégiés purent assister aux funérailles du héros, dans une église presque intégralement tendue de voiles noirs et éclairée à la bougie. Comme Nelson, il dispose d’un sarcophage dans la crypte, mais surtout d’un fabuleux monument dans le bas-côté nord, digne de ceux des rois de France à Saint-Denis. Le gisant du « duc de fer », qui fut Premier ministre et commandant en chef des forces britanniques, repose sur un sarcophage de bronze portant l’inscription « arthur first duke of wellington », tandis qu’ailleurs est égrenée la liste de plusieurs dizaines de batailles, principalement dans la péninsule ibérique, mais aussi Waterloo ! Ce gigantesque monument, presque un arc de triomphe, ne fut achevé qu’en 1878, mais il fallut attendre 1912 pour la statue équestre du maréchal vienne le couronner. Près d’un siècle après Waterloo, Wellington, le tombeur de Napoléon, pouvait finalement reposer en paix sous les voûtes de Saint-Paul.
Y aller : station de métro St Paul’s (Centrak Line).
A lire : Ann Saunders, St Paul’s Cathedral. 1400 Years at the Heart of London, Londres, Scala, 2012.
A consulter : le site internet de la cathédrale Saint-Paul
The Mall

© Thomas Ménard
Le Mall (on prononce à peu près comme dans email) est l’immense avenue cérémonielle qui relie Trafalgar Square à Buckingham Palace. Bien sûr, elle n’a pas grand chose à voir avec le souvenir de Napoléon Ier, puisqu’elle date du début du XXe siècle. Toutefois, plusieurs palais et monuments situés le long de cette avenue sont étroitement liés avec l’épopée impériale. Voir les entrées Carlton House Terrace, Clarence House, Colonne du duc d’York, Lancaster House, Marlborough House, Palais de Buckingham, Palais de Saint-James.
Trafalgar Square

© Thomas Ménard
Si vous aviez voyagé dans la capitale britannique pendant la paix d’Amiens (1802-1803), vous n’auriez sans doute pas reconnu ce lieu. Pendant des siècles, on a sans doute dû le connaitre pour ses odeurs. C’est là, en effet, que se trouvaient les écuries royales, depuis la fin du XIIIe siècle, à l’endroit où la route de Londres (le Strand actuel) rejoignait la King’s Street (actuel Whitehall), qui partait vers le palais et l’abbaye de Westminster. Ce n’est qu’après la mort de Napoléon qu’on décida de réaménager la place. Il n’y a bien entendu aucun lien direct entre ces deux événements !
La principale motivation, c’est la décision du nouveau souverain, Georges IV, de faire de Buckingham Palace la nouvelle résidence officielle du monarque. Il décide également d’y transférer les écuries royales (Royal Mews). On commença à dégager l’espace en 1826. La place ainsi obtenue fut nommée en l’honneur du roi en 1830, mais finalement renommée Trafalgar Square en 1835, pour commémorer la grande victoire britannique qui s’était tenue 30 ans plus tôt, le 21 octobre 1805. La place fut finalement ouverte au public le 1 mai 1844.
Quelques mois plus tôt, la statue de l’amiral Nelson, qui avait vaincu les flottes françaises et espagnoles à Trafalgar, était placée en haut de la colonne. Dès 1838, un comité pour le mémorial de Nelson avait été créé et avait proposé l’érection d’une colonne triomphale sur la nouvelle Trafalgar Square. L’idée fut acceptée et le projet de l’architecte William Railton approuvé, hormis la taille de la colonne, qui fut réduite de 66 mètres à 44. La construction démarra en 1840, la statue sommitale érigée en novembre 1843. Le dernier des quatre bas-relief ne fut installé qu’en mai 1854. Réalisés avec le bronze de canons pris aux Français, ils représentent quatre des grandes victoires du héros national : la bataille du cap Saint-Vincent (14 février 1797), la bataille du Nil (que les Français appellent première bataille d’Aboukir, 1-3 août 1798), la bataille de Copenhague (2 avril 1801) et bien sûr la bataille de Trafalgar, et plus précisément la mort de Nelson. Quant aux quatre lions, qui pèsent chacun sept tonnes, ils ne sont ajoutés qu’en 1867.
Signalons que l’une des statues de la place est la statue équestre de Georges IV, prévue pour surmonter Marble Arch (voir cet article), mais qui a fini ici. Il ne faut pas la confondre avec la statue équestre de Charles Ier, nettement plus baroque, et qui se trouve au sud de la place, en face de Whitehall. C’est au pied de ce monument, œuvre du Français Hubert Le Sueur, que se trouve le point zéro du Royaume-Uni.
Signalons également que Trafalgar Square, ancien terrain des Royal Mews, appartient toujours à la Couronne.
Y aller : station de métro Charing Cross (Bakerloo ou Northern lines).
Waterloo Bridge

© Daria Kwarta
Deux pour le prix d’un ! Avant le pont que nous connaissons aujourd’hui, et qui relie Waterloo Station à Somerset House, il y en avait un autre, au même endroit.
Le premier pont, privé, est construit par la Strand Bridge Company. Par une loi, le Parlement autorise l’entreprise à édifier un pont entre le Strand et Lambeth, un quartier de la rive Sud alors peu développé. Les travaux débutent le 1er mars 1811, en pleine guerre contre Napoléon. Il est achevé au début de l’année 1817, mais, entre temps, en 1816, le Parlement a autorisé la Strand Bridge Company a lui donné le nom de Waterloo Bridge, en hommage à la grande victoire de Wellington sur Napoléon, qui mit fin à vingt années de conflits.
Le nouveau pont est inauguré par le Prince Régent le 18 juin 1817, tout juste deux ans après la bataille. Plus que la structure elle-même, c’est surtout une énième occasion pour célébrer le triomphe britannique. Reprenant une tradition pluricentenaire, les autorités du pays organisent une parade navale, où les barges du Prince Régent et celle du lord maire de Londres rivalisent de somptuosité. Bien sûr, le duc de Wellington est associé à l’événement. Ce premier pont, et cette cérémonie fastueuse, on peut les découvrir sur un tableau de Constable (The Opening of Waterloo Bridge (‘Whitehall Stairs, June 18th, 1817’), conservé à la Tate Britain (mais actuellement en prêt au Japon). C’était alors le pont le plus long de la Tamise, mais aussi l’un des plus beaux. C’est ce que prétend en tout cas l’illustre sculpteur italien Antonio Canova (lui aussi fortement associé à l’épopée napoléonienne : voir Apsley House). Il dit qu’il s’agit « du pont le plus noble du monde, qui mérite une visite depuis les endroits les plus reculés de la planète ». Imaginé par l’ingénieur John Rennie, il présente neuf arches de 36 mètres de portée, pour une longueur de presque 750 mètres et une largeur d’environ 13 mètres. Il dispose d’un parement en granite de Cornouailles, tandis que le parapet est en granite d’Aberdeen. Les piles sont décorées de doubles colonnes doriques. Il est très beau, effectivement, mais assez peu utilisé, puisqu’il s’agit d’un pont à péage, pour le bénéfice de l’entreprise qui l’a construit. Ce bénéfice augmente en 1848, lorsque la gare de Waterloo est ouverte. Mais, le 6 octobre 1878, à midi, les péages sont supprimés : sur ordre du Metropolitan Board of Works (MBW), tous les ponts de Londres deviennent gratuits.
Dès les années suivantes, les ingénieurs du MBW constatent des fragilités dans la structure du pont. D’année en année, elles sont amplifiées par le trafic qui ne cesse d’augmenter. On évoque la construction d’un nouveau pont, mais il est tellement apprécié des Londoniens que le projet est repoussé. Jusqu’à ce que cela devienne inévitable, dans les années 1920. La « Guerre des ponts » est finalement tranchée par le nouveau président du London County Council, Herbert Morrisson, qui affirme, à juste titre, que Londres a plus besoin d’un pont que d’un monument.
Le 20 juin 1934, la première pierre de l’ancien pont est finalement retirée par Morrisson, au cours d’une cérémonie inversée. Deux ans plus tard, il ne reste presque plus rien de la structure de John Rennie, mais la construction du nouveau pont ne débute qu’au début de l’année 1938. Son architecte n’est autre que Giles Gilbert Scott (à qui l’on doit aussi la Battersea Power Station, et qui est le petit-fils de l’illustre George Gilbert Scott, architecte de l’Albert Memorial de South Kensington et de l’hôtel de la gare St Pancras). La fin des travaux est prévue pour 1940 mais, comme chacun sait, une nouvelle guerre éclate et le chantier manque à la fois de matière première et de main d’œuvre. Du coup, on embauche des femmes et les Londoniens donnent parfois à l’actuel Waterloo Bridge le surnom de « Ladies’ Bridge ». Il est finalement inauguré le 10 décembre 1945, quelques mois après la fin du conflit. Il n’y a plus que cinq arches en béton armé, recouvert de granite, avec un tablier en pierre de Portland, assortie à celle de Somerset House.
Alors, Londres a son nouveau pont, mais que reste-t-il du monument, le premier Waterloo Bridge ? Le tableau de Constable d’abord, mais aussi 41 toiles peintes par un certain Claude Monet, entre 1900 et 1904, depuis la fenêtre de sa chambre au Savoy. Il reste aussi des pierres et des balustres, vendues aux enchères et disséminées sur toute la planète : l’extension du County Hall, en face du palais de Westminster ; un pont en Australie ; le parlement de Nouvelle-Zélande… Finalement, Canova avait un peu raison : si tout le monde ne pouvait pas venir des coins les plus reculés du globe pour admirer le pont, ses reliques pouvaient y être envoyées !
En plus de Napoléon et de Monet, citons un autre lien avec la France. En 1878, les autorités font un essai d’éclairage urbain électrique sur Victoria Embankment et, l’année suivante, le projet est étendu à Waterloo Bridge. C’est la Société Générale d’Electricité, une entreprise française, qui fournit l’électricité… pour alimenter des lampadaires, dont on dit qu’ils ont été fondus à partir de canons pris aux Français !
Y aller : station de métro Waterloo (Bakerloo, Jubilee, Northern ou Waterloo & City lines) ou Temple (Circle ou District lines).
A lire : Peter Matthews, London’s Bridges, Oxford, Shire Publications, 2008.
Waterloo Place

© Thomas Ménard
Site bien moins connu que Waterloo Bridge et Waterloo Station, Waterloo Place est pourtant l’une des plus jolies places de Londres. Située derrière Carlton House Terrace et la colonne du duc d’York (voir ces lieux), elle devait être le point de départ de Regent Street, l’immense avenue conçue par John Nash pour le Prince Regent, entre son palais londonien, Carlton House, et le parc qu’il développait au nord de Londres (Regent’s Park). Dans la mesure où la bataille finale des guerres napoléoniennes s’est tenue pendant la régence du prince de Galles, il semble naturel d’avoir donné le nom de Waterloo à la place qui devait servir de parvis à sa demeure. Mais nous avons expliqué dans d’autres articles que, une fois devenu roi, Georges IV eu un autre projet, encore plus coûteux : s’installer dans ce qui serait Buckingham Palace. Du coup, Carlton House fut détruite et céda sa place à Carlton House Terrace et à la colonne du duc d’York.
Par un hasard de l’histoire (à moins que ce ne soit volontaire), Waterloo Place est devenu un symbole de l’amitié franco-britannique et, en l’occurrence, de l’Entente Cordiale naissante : c’est là que furent érigé différents monuments commémorant la guerre de Crimée, où Français et Britanniques combattirent ensemble contre les Russes. Les gouvernements de Napoléon III et de la reine Victoria avaient souhaité ce renversement des alliances, une cinquantaine d’années après Waterloo. Le Guards Crimean War Memorial fut dévoilé en 1861, sans doute en présence de quelque dignitaire du Second Empire, là où l’on avait naguère célébré la chute du Premier.
Y aller : station de métro Piccadilly Circus (Bakerloo ou Piccadilly lines).
Waterloo Station

© Daria Kwarta
Cet article pourrait être très court, puisque le seul lien avec l’épopée napoléonienne est sa proximité avec le Waterloo Bridge ! Lorsqu’elle est ouverte le 11 juillet 1848, la nouvelle gare se nomme en effet Waterloo Bridge Station. Elle appartient à la compagnie ferroviaire London & South Western Railway (L&SWR), dont la première ligne Southampton-Londres s’arrêtait à Nine Elms. Après avoir établi des lignes avec Wimbledon et Kingston, elle décide de construire une gare plus proche du centre ville. Au départ, Waterloo Bridge Station aurait dû être une simple étape, avant le terminus dans la Cité de Londres. Mais le projet s’est finalement arrêté sur cette rive de la Tamise.
Au cours du siècle suivant, la gare s’est considérablement développée, jusqu’à être, aujourd’hui, la plus vaste gare du pays, autant en superficie qu’en nombre de quais, mais aussi la plus importante en termes de nombre de voyageurs (100 millions de voyageurs par an).
Signalons que, malgré son nom, Waterloo Station a plutôt vocation à célébrer l’amitié entre la France et le Royaume-Uni. Inauguré par la reine Mary en 1922, le nouveau bâtiment, entièrement reconstruit au début du XXe siècle, dispose d’une entrée principale nommée Victory Arch (actuelle sorte 5). Elle commémore à la fois les cheminots tués pendant la Grande Guerre, mais aussi la victoire des Britanniques et des Français (et de quelques autres), alliés au sein de l’Entente cordiale.
Mais surtout, entre 1994 et 2007, c’est à Waterloo Station que les voyageurs en partance pour Paris embarquaient ! La première d’entre eux fut Elisabeth II en personne. Le 6 mai 1994, elle monte à bord d’un Eurostar à destination de Paris. Au même moment, François Mitterrand part de Paris Gare du Nord. Ils se retrouvent à la gare de Coquelles, dans le Pas-de-Calais. La grande aventure Eurostar a commencé. En prévision, on a construit une extension à l’ancienne Waterloo Bridge Station, Waterloo International. La gare internationale sera fermée le 13 novembre 2007, peu après que la gare St Pancras Internationale soit mise en service, pour désormais accueillir les Eurostar et les passagers venant de Paris de l’autre côté de la Tamise. Les mauvaises langues prétendent que la décision de transférer le terminus du Paris-Londres aurait été prise à cause des pressions exercées par les autorités françaises, dont l’orgueil patriotique avait été froissé par le nom de la gare ! En fait, un accès par le Nord de Londres semble avoir été prévu dès le départ, mais les infrastructures ferroviaires ne le permettaient pas.


© Daria Kwarta
Y aller : station de métro Waterloo (Bakerloo, Jubilee, Northern ou Waterloo & City lines).
Wellington Arch

© Daria Kwarta
Si les deux arcs de triomphe de ce parcours ont voyagé (voir Marble Arch), le Wellington Arch ne s’est déplacé que de quelques dizaines de mètres. Au départ, ce monument n’était qu’une étape processionnelle sur le chemin du palais de Buckingham, la nouvelle demeure mise en travaux par Georges IV dans les années 1820. En arrivant depuis Hyde Park, on devait passer sous le Green Park Arch, descendre Constitution Hill, et pénétrer dans la cour d’honneur du palais royal en passant sous Marble Arch. C’est l’architecte Decimus Burton, un des protégés du souverain, qui fut choisi pour concevoir cette porte triomphale, initialement inspirée de l’arc de Titus, à Rome. Il fut construit entre 1826 et 1830 et couronné par une statue équestre du duc de Wellington. On prendra donc l’habitude de le nommer Wellington Arch, surtout qu’il se trouve juste en face de la demeure londonienne du vainqueur de Waterloo.
En 1882, la circulation était devenue dense à Hyde Park Corner et on décida de déplacer le Wellington Arch et de l’aligner sur Constitution Hill, la rue qui borde Green Park et vient de Buckingham Palace. On parla donc désormais officiellement de Constitution Arch. On pourrait presque croire que c’était une manière d’outrager le héros, puisque sa colossale statue équestre fut retirée et transférée à Aldershot, une ville de garnison, au sud de Windsor, à deux pas de laquelle vivait l’impératrice Eugénie et où reposaient l’empereur Napoléon III et le prince impérial (ce dernier fit un stage de perfectionnement au camp d’Aldershot, après avoir étudié à l’académie royale d’artillerie de Woolwich).
Quant à l’ex-Wellington Arch, on le compléta par un nouveau groupe sculpté, beaucoup plus napoléonien que la statue de Wellesley : un quadrige, plus ou moins comparable à celui de l’arc du Carrousel, aux Tuileries.
Désormais géré par English Heritage, comme Apsley House, ce monument que les gens continuent à appeler Wellington Arch renferme aujourd’hui un petit musée consacré à sa construction, mais aussi à la bataille de Waterloo !
Signalons, pour les amateurs de chose militaire, un spectacle fort charmant : chaque matin, un détachement de Horse Guards (cavalerie de la garde royale : Life Guards ou Blue and Royals) quitte les casernes de Hyde Park, près de l’ambassade de France, longe le grand parc, passe sous l’arc de triomphe, puis descend Constitution Hill et le Mall pour se rendre à la cérémonie de la relève de la garde à Horse Guard Parade. On conseille aux automobilistes d’éviter le quartier, puisque la circulation doit se mettre à l’allure de la tradition !
Y aller : métro Hyde Park Corner (Piccadilly Line).
A consulter : la section consacrée au Wellington Arch sur le site de l’English Heritage.
Wellington Monument

© Chiara Martini
Inauguré le 18 juin 1822, tout juste sept ans après la bataille de Waterloo, le monument de Wellington se trouve juste derrière sa demeure, Apsley House (voir cet article). Financé par une souscription auprès des femmes britanniques, il fit scandale à cause de la nudité du dieu grec Achille, même si la virilité de ce dernier fut escamotée par une modeste feuille de bronze. Imaginé par le sculpteur Richard Westmacott, il a été réalisé à partir de canons pris à l’ennemi.
Y aller : métro Hyde Park Corner (Piccadilly Line).
A consulter : la page consacrée à la statue sur le site des Royal Parks.
Westminster Abbey

© Thomas Ménard
La collégiale Saint-Pierre de Westminster (Collegiate Church of St Peter, Westminster) est connue dans le monde entier sous son ancien nom d’abbaye de Westminster. Eglise royale par excellence, elle est l’un des « Royal Peculiars », ces quelques églises du royaume qui dépendent directement de la Couronne, et non de l’Eglise d’Angleterre. Ici, le doyen et le chapitre de chanoines (Dean & Chapter) ont remplacé l’abbé et les moines depuis des siècles, depuis la Réforme et la dissolution des monastères par Henri VIII dans la première moitié du XVIe siècle pour être plus précis (avec un bref retour au statut d’abbaye sous le court règne de Marie la Sanglante).
En revanche, elle est restée l’église la plus liée à la monarchie anglaise, puis britannique : depuis l’année 1066, c’est l’église du couronnement ! Pendant des siècles, ce fut aussi la nécropole royale. D’autres cérémonies s’y sont déroulées, qu’il s’agisse de mariages royaux ou de funérailles. Qu’on se souvienne du mariage, en 1947, de la princesse Elizabeth et d’un fringant officier de la Royal Navy, né prince de Grèce et de Danemark ; du couronnement de celle-ci, cinq ans plus tard, le 2 juin 1953 ; des très médiatiques obsèques de la princesse de Galles en 1997 ou de celles, plus solennelles, de la Reine Mère, en 2003.
Mais l’abbaye de Westminster est aussi le Panthéon britannique : autour de saint Edouard, d’Henri V (celui d’Azincourt, ou Agincourt pour les Anglais), de Marie et Elisabeth Tudor, des Stuarts et des premiers rois Georges, reposent un grand nombre de personnalités, des hommes d’Etat, des militaires, des scientifiques, des artistes. Ci-gisent Darwin, Newton, Hawking, Dickens, Chaucer, Purcell, Haendel, Livingstone, Wilberforce, Tennyson, Laurence Olivier. Des centaines d’autres sont simplement commémorés, par des statues, des plaques, des inscriptions. Parmi eux, bon nombre de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont combattu contre Napoléon.
Dans notre Parcours Napoléon à l’abbaye de Westminster, nous vous proposons de découvrir 21 de ces illustres personnages, et notamment deux Premiers ministres britanniques, dont l’un assassiné pendant son ministère ; une flopée de soldats et de marins, dont celui que Napoléon appelait le « Loup des Mers » ; mais aussi la dernière reine de France, le frère du dernier roi des Français et le Père de la nation corse ! Et bien sûr, il sera question de l’amiral Nelson, l’un des fils rouges de ce Parcours Napoléon à Londres.
Y aller : station de métro Westminster (Circle, District ou Jubilee lines).
A lire :
James Wilkinson et C.S. Knighton, Crown & Cloister. The Royal Story of Westminster Abbey, Londres, Scala, 2010.
John Field, Kingdom, Power and Glory. A Historical Guide to Westminster Abbey, Londres, James & James, 2008.
Tony Trowles, Treasures of Westminster Abbey, Londres, Scala, 2008.
A consulter : le site internet de l’abbaye.