In the Studio, December 2017,
par David Hockney
Kunstmuseum Luzern
par Beni Muhl
Conservateur adjoint

David Hockney, « In the Studio, December 2017 »,
Photographic drawing printed on 7 sheets of paper, mounted on Dibond, 278 x 760 cm, Tate: presented by the artist 2018, © David Hockney, assisted by Jonathan Wilkinson.
NDLR : cette œuvre est présentée dans le cadre de l’exposition temporaire « David Hockney – Moving Focus » au Kunstmuseum Luzern, du 9 juillet au 30 octobre 2022.
Bienvenue dans le studio de David Hockney à Los Angeles ! Le fameux artiste britannique, qui aime peindre de grandes toiles en plusieurs parties, a besoin d’un vaste espace pour travailler. Il a donc transformé en studio un ancien terrain de tennis couvert dans les collines d’Hollywood. Il y est ici représenté, au milieu de ses derniers tableaux, des œuvres de couleurs vives sur des toiles aux formes caractéristiques. À première vue, c’est une photographie classique, mais certains éléments sonnent faux : les ombres portées par les différents éléments ont été créées numériquement, les contours sont partiellement pixellisés, le sol apparait étrangement convexe. L’artiste joue ici des tours à nos réflexes visuels. En fait, le tableau est composé d’environ 3000 photographies numériques, dont chacune présente une portion de l’ensemble très peu modifiée. Le résultat donne l’impression d’être un dessin, raison pour laquelle Hockney parle de sa technique comme d’un « dessin photographique ».
La vive préoccupation de David Hockney pour la photographie a débuté dans les années 1970. À cette époque, dans sa « phase naturaliste », il peignait des doubles portraits grandeur nature destinés à ressembler au maximum à des photographies. Il s’intéressait également à des techniques liées à la photographie comme le contre-jour ou le rétro-éclairage. Plus tard, il a également réalisé des photocollages à partir d’images Polaroid. Pourtant, Hockney a rencontré des difficultés avec la photographie. Il a même questionné leur réalisme : « La plupart des gens pensent que le monde ressemble à une photographie. J’ai toujours supposé que la photographie montrait presque la réalité, mais ce petit écart qui fait que c’est presque la réalité fait que ce n’est pas la réalité du tout. » (« Most people feel that the world looks like the photograph. I’ve always assumed that the photograph is nearly right, but that little bit by which it misses makes it miss by a mile. »). Avec cette technique de collage assez spéciale, Hockney prolonge son concept de « focus en mouvement », qu’il travaille depuis les années 1980. Il lui a été inspiré à la fois par les peintures cubistes de Picasso et par les rouleaux d’images chinoises, qui ne présentent pas d’ombre et montrent plusieurs perspectives simultanément.

David Hockney, “Interior with Blue Terrace and Garden”, 2017,
acrylic on canvas, 121.9 × 243.8 cm, © David Hockney, photo: Richard Schmidt
Cet autoportrait d’Hockney dans son studio, un thème très répandu dans l’histoire de l’art, est également l’occasion de rassembler plusieurs de ces œuvres : des paysages, des scènes d’intérieur ou de scènes de théâtre, des portraits. Parmi tant d’autres lieux, on voit notamment la terrasse bleue de sa maison dans les collines d’Hollywood, avec ses lattes de parquet qui partent dans toutes les directions. On regarde en même temps dans la maison et dans le jardin, avec la piscine qui donne l’impression de ne pas être horizontale. En trouvant des formes et des variations nouvelles, Hockney s’attache à représenter l’expérience de la vision, la perception des choses, que ce soit dans le cadre de la conduite automobile ou plus généralement dans la vie. Il fusionne ainsi des perspectives multiples, des souvenirs et des modèles tirés de l’histoire de l’art pour former des images dynamiques et vivantes dans un plan à deux dimensions. Une photographie parait bien réductrice en comparaison !
Retrouvez d’autres histoires fascinantes à propos de la vie de David Hockney et de ses œuvres sur www.hockney2022.ch.